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Morale : Michel Mercier est-il digne d’être membre du Conseil constitutionnel ?

Par Alfredo Allegra | LEXTIMES.FR |
Michel Mercier. Capture d'écran. Michel Mercier. Capture d'écran.

Choisi mercredi par le président du Sénat, Gérard Larcher, pour remplacer Nicole Belloubet au Conseil constitutionnel, malgré des soupçons d’emplois présumés fictifs révélés par le Canard Enchaîné et une enquête préliminaire ouverte vendredi par le parquet national financier pour « détournement de fonds publics », les Sages de la rue de Montpensier tiennent à rappeler « les obligations des membres du Conseil constitutionnel ».

« Sans préjuger en rien [du] résultat [de l’enquête préliminaire en cours], le Conseil constitutionnel rappelle, dans un bref communiqué diffusé aussitôt, les dispositions du décret du 3 novembre 1959 sur les obligations des membres du Conseil constitutionnel » et plus particulièrement son article premier qui prévoit que ceux-ci ont pour « obligation générale de s’abstenir de tout ce qui  pourrait compromettre l’indépendance et la dignité de leurs fonctions ». Au cas particulier, c’est la seule « dignité » qui est bien évidemment visée.

Et il appartient au Conseil constitutionnel, selon les articles 5 et suivants du décret précité, d’apprécier si l’un de ses membres a fait preuve de dépendance ou d’indignité lui permettant, le cas échant, à la majorité de ses membres1 , de « constater [sa] démission d’office ». Des manquements à la probité et au comportement exemplaire attendu des membres du Conseil constitutionnel qui ne nécessitent pas une condamnation pénale, une mise en examen ni même une simple mise en cause pour qu’ils puissent être sanctionnés durement et immédiatement sans aucune voie de recours.

La question est donc savoir si, pendant qu’il était sénateur en 2014, en recrutant l’une de ses filles, Delphine, à temps partiel, en tant qu’assistante parlementaire alors qu’elle ne résidait même pas à Paris et vivait à Londres, Michel Mercier a fait montre de l’indispensable et nécessaire dignité qui sied pour exercer les fonctions de membre du Conseil constitutionnel et ce quelles que soient les suites réservées à l’affaire par le parquet et, le cas échéant, par le juge d’instruction ou le tribunal correctionnel.

Le Conseil constitutionnel aura en effet à juger un simple comportement moral indélicat alors que la juridiction répressive ne pourra utilement poursuivre et sanctionner que si les trois éléments constitutifs de l’infraction (légal, matériel et moral) sont effectivement réunis en l’espèce.

La dignité, enseigne le Littré, est le « respect qu’on se doit à soi-même », une certaine « gravité dans les manières » d’être et de paraître en toute occasion, au point, parfois, d’en faire rire ou sourire. Pour le Larousse, il s’agit d’une « attitude empreinte de réserve, de gravité, inspirée par la noblesse des sentiments ou par le désir de respectabilité », le summum de la dignité étant de parvenir à refuser de répondre à des insultes par des insultes, ce qui n’est pas à la portée de tout le monde.

Au cas particulier, en gratifiant en 2014 sa fille du titre et des émoluments d’un assistant parlementaire alors qu’elle se formait, travaillait ou se prélassait à Londres, M. Mercier a-t-il fait preuve d’une noblesse de sentiments ou d’un désir de respectabilité tels qu’ils lui permettent en 2017 de siéger au Conseil constitutionnel ? Chacun a sa petite idée sur la question mais seule une majorité de ses collègues pourra le mettre en difficulté et lui montrer le chemin de la sortie. Un exercice qui permettra d’apprécier l’indépendance et la dignité du Conseil constitutionnel lui-même si la décision tarde à venir.

En fin d'après-midi, quelques heures après la publication de cet article, l'ancien garde des sceaux a annoncé, dans un communiqué, qu'il n'entrerait pas au Conseil constitutionnel, estimant ne pas pouvoir y « siéger avec la sérénité nécessaire ».

 

  • 1y compris ses membres de droit (art. 6 du décret).

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