Aller au contenu principal

Santé : La responsabilité de l’État dans l’affaire du Mediator

Par Alfredo Allegra | LEXTIMES.FR |
Mediator. Mediator.

Le Conseil d’État confirme que ce n’est qu’à partir de mi-1999 que la responsabilité de l’État peut être engagée dans l’affaire du Mediator mais les agissements fautifs des laboratoires Servier peuvent l’exonérer de réparer tout ou partie des dommages subis par les patients qui peuvent aussi être indemnisés pour leur « préjudice d’anxiété ».

À la suite de préjudices résultant de la prise du médicament Mediator des laboratoires Servier, plusieurs personnes ont saisi le juge administratif de demandes d’indemnisation dirigées contre l’État au titre de sa responsabilité pour faute et le Conseil d’État vient de statuer sur trois affaires différentes par trois arrêts distincts.

Dans deux dossiers, la cour administrative d’appel de Paris avait retenu que l’État avait commis une faute à compter de mi-1999 en ne procédant pas « à la suspension ou au retrait de l’autorisation de mise sur le marché du Mediator malgré les informations alors disponibles sur les dangers du benfluorex, sa molécule active » et, dans le troisième, elle avait exclu que l’État puisse se prévaloir des agissements fautifs des laboratoires Servier pour s’exonérer de tout ou partie de l’obligation de réparer les dommages subis par les patients qui ont utilisé le Mediator.

La haute juridiction administrative a, liminairement, rappelé qu’en matière de contrôle des médicaments, la responsabilité de l’État est engagée pour faute simple et il en résulte donc que toute faute commise par les autorités chargées de la police sanitaire relative aux médicaments engage la responsabilité de l’État.

Au cas particulier, s’agissant du Mediator, le Conseil d’État fait sienne l’analyse de la cour administrative d’appel de Paris que l’État n’a pas commis de faute en la matière avant mi-1999. Il relève en effet que benfluorex, le principe actif du Mediator, a été présenté par les laboratoires Servier, dans les années 70, comme ayant des propriétés différentes de celles des « fenfluramines (anorexigènes) et que le Mediator a obtenu une autorisation de mise sur le marché pour des indications thérapeutiques distinctes ».

Si, dès 1995, un centre de pharmacovigilance avait pu relever que le benfluorex avait une structure voisine des anorexigènes, indique le Conseil d’État, « son métabolisme n’était pas mieux connu à cette date et aucun effet indésirable grave relevant de la prise de Mediator n’était identifié » pour en conclure que « l’absence de suspension ou de retrait de ce médicament ne constituait pas, dès 1995, une faute de nature à engager la responsabilité de l’État ».

Deux pourvois1  sont donc rejetés sur ce point, le juge d’appel ayant justement retenu que « ce n’est qu’à compter de mi-1999 que les autorités sanitaires ont commis une faute en ne procédant pas à la suspension ou au retrait de l’autorisation de mise sur le marché du Mediator, compte tenu des nouveaux éléments d’information sur les effets indésirables du benfluorex ».

Quant au troisième pourvoi2  qui est, lui, accueilli va permettre à l’État de ne pas réparer intégralement le préjudice subi par les patients qui ont utilisé le Mediator en excipant de la faute commise par les laboratoires Servier dans la mesure où il s’agit d’une faute commise par « une personne privée soumise à son contrôle » et non d’une faute commise par une personne publique dont il aurait à répondre. Dans une telle hypothèse, le juge administratif met à la charge de l’État, explique le Conseil d’État, l’indemnisation de sa seule propre faute et il appartient à la personne concernée de poursuivre la responsabilité des laboratoires Servier devant le juge judiciaire.

La solution retenue par la cour administrative d’appel de Paris qui a été cassée avait pourtant le mérite d’être relativement plus simple pour les patients ayant utilisé le Mediator. Elle consistait à condamner l’État à réparer l’entier préjudice et à laisser ce dernier, le cas échéant, se retourner contre les laboratoires Servier devant le juge judiciaire. Une cassation dont on aurait pu faire l’économie.

Le Conseil d’État admet par ailleurs, pour la première fois, en l’absence de contamination avérée, le préjudice moral tiré de « l’anxiété éprouvée par un patient face au risque de développer une maladie grave » qui doit cependant être, comme tout préjudice, « direct et certain » et que le juge appréciera en tenant compte d’éléments objectifs (gravité des pathologies risquant de se développer et probabilité qu’elles se développent) et subjectifs (circonstances particulières de chaque cas d’espèce). Dans le cas qui lui était soumis, il juge que le préjudice d’anxiété n’est pas direct et certain en l’absence de toute circonstance particulière, en relevant « le risque très faible de développer une hypertension pulmonaire sévère et le risque faible de développer une valvulopathie cardiaque ».

 

  • 1CE, 9 nov. 2016, n° 393108, Mme G. K. c/ ministère des affaires sociales et de la santé et Agence nationale de sécurité du médicament ; n° 393904, Mme H. G. c/ ministère des affaires sociales et de la santé et Agence nationale de sécurité du médicament.
  • 2CE, 9 nov. 2016, n° 393902 et 393926, Mme O. B. c/ ministère des affaires sociales et de la santé et Agence nationale de sécurité du médicament.

Ajouter un commentaire