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Affaire Kerviel : Société générale responsable à hauteur de 99,98 %

Par Alfredo Allegra | LEXTIMES.FR |
Société générale/Jérôme Kerviel. Société générale/Jérôme Kerviel.

Sur renvoi après cassation, la cour d'appel de Versailles a ramené aujourd’hui de 4,9 milliards d’euros à un minuscule petit million d’euros (-99,98 %) les dommages-intérêts réclamés par Société générale à son ancien trader, Jérôme Kerviel, pour des positions hautement spéculatives d’un montant de 52,2 milliards d’euros ayant généré une perte de 4,9 milliards d’euros lorsqu’elles ont été dénouées par la banque en janvier 2008, après déduction d’un gain de 1,47 milliard réalisé le mois précédent.

Au pénal, la condamnation de Jérôme Kerviel à cinq ans d’emprisonnement dont deux avec sursis des chefs d’ « abus de confiance, manipulations informatiques, faux et usage » était déjà définitive pour avoir été confirmée1 par la chambre criminelle de la cour de cassation en mars 2014 lorsqu’elle a rejeté le volet pénal de son pourvoi et n’a renvoyé devant la cour d’appel de Versailles que sur les intérêts civils.

Pour casser l’arrêt de la cour d’appel de Paris2 — qui avait retenu que l’ex-trader était « l’unique concepteur, initiateur et réalisateur du système de fraude » pour le condamner à réparer l’entier préjudice allégué de 4,9 milliards d’euros, tout en constatant « l’existence et la persistance, pendant plus d’un an, d’un défaut de contrôle hiérarchique et l’absence d’un quelconque profit retiré par les infractions commises » —, la juridiction suprême avait visé les articles 2 du code de procédure pénale et 1382 du code civil selon lesquels « lorsque plusieurs fautes ont concouru à la réalisation du dommage, la responsabilité de leurs auteurs se trouve engagée et les juges du fond doivent en tenir compte ».

Pour déterminer la part du préjudice indemnisable, précisait la chambre criminelle, il convient donc de tenir compte des fautes commises par Société générale elle-même qui ont à l'évidence « concouru au développement de la fraude et à ses conséquences financières ». Et, manifestement, les fautes commises par Société générale sont, selon la cour d’appel de Versailles3 , assez conséquentes et elles permettent la réduction du préjudice indemnisable à concurrence de 99,98 % impliquant que la responsabilité de Jérôme Kerviel ne peut être retenue dans le désastre dont elle se disait victime qu'à concurrence de 0,02 %.

Société générale indique, dans un communiqué, être « satisfaite » de cette décision qui reconnait « la responsabilité civile de Jérôme Kerviel » en se fondant sur la condamnation pénale définitive. « La cour d’appel de Versailles rejette la demande d’expertise de Jérôme Kerviel et confirme ainsi le montant de la perte nette de 4,9 milliards d’euros de la banque résultant des agissements frauduleux de Jérôme Kerviel, selon la banque qui précise également que la décision valider[ait] sans ambiguïté le bien-fondé des modalités de leur débouclage ». En condamnant Jérôme Kerviel à verser à Société générale 1 million d’euros pour les délits commis, poursuit la banque, le juge a rendu « une décision réaliste et exécutable au regard de sa capacité de remboursement » et elle est « sans effet sur la situation fiscale de Société générale ».

Responsable à concurrence de 99,8 % de cette perte de 4,9 milliards d'euros, Société générale ne peut, en principe, pas la déduire fiscalement de ses résultats mais dans la mesure où elle a été imputée sur l'exercice 2008 qui est à présent prescrit, il se peut que ce soit la raison pour laquelle la banque se croit fondée à soutenir que cette décision est sans effet sur sa situation fiscale.

 

  • 1Crim. 19 mars 2014, n° 12-87416, Jérôme Kerviel c/ Société générale.
  • 2Paris, ch. 5-12, 24 oct. 2012, Jérôme Kerviel c/ Société générale.
  • 3Versailles, 23 sept. 2016, Jérôme Kerviel c/ Société générale.

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