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Internet : Hyperlien non autorisé avec ou sans but lucratif

Par Alfredo Allegra | LEXTIMES.FR |
Britt Geertruida Dekker, juill. 2014. Photo Wikipedia/Peter van der Sluijs. Britt Geertruida Dekker, juill. 2014. Photo Wikipedia/Peter van der Sluijs.

Un hyperlien vers une œuvre protégée par le droit d'auteur et publiée sans le consentement de son auteur ne constitue pas une « communication au public » en l'absence de lucre et en cas de méconnaissance de l'illégalité de la publication, a jugé la Cour de justice de l'Union européenne mais si l'hyperlien est fourni dans un but lucratif, le caractère illégal de la publication doit être présumé.

La société éditrice du site Geenstijl.nl, l'un des dix sites d'actualités le plus fréquenté aux Pays-Bas et qui se définit lui-même comme un journal de « nouveautés, révélations scandaleuses et enquêtes journalistiques sur des sujets amusants et sur un ton de joyeuse plaisanterie », GS Media, avait publié, en 2011, un article et un hyperlien renvoyant les lecteurs vers un site australien où des photos de Britt Geertruida Dekker, une jeune présentatrice TV, avaient été mises en ligne avant leur parution prévue dans l'édition du mois de novembre 2011 de la revue Playboy.

Malgré les sommations du détenteur des droits, la société Sanoma Media, GS Media a refusé de supprimer l'hyperlien et lorsque le site australien a supprimé l'accès aux photos sur injonction de Sanoma, Geenstijl a publié un autre article contenant un hyperlien vers un autre site où se trouvaient les photos et lorsque ce second site a supprimé les photos litigieuses, des internautes visitant le forum de Geenstijl ont placé de nombreux liens renvoyant à d'autres sites où les photos étaient consultables.

Saisie du différend, la Cour de cassation néerlandaise (Hoge Raad der Nederlanden) a interrogé la Cour de justice européenne quant à la Directive de 20011 selon laquelle chaque acte de communication d'une œuvre au public doit être autorisé par le titulaire du droit d'auteur tout en soulignant qu'internet « regorge d'œuvres publiées sans l'accord du titulaire du droit d'auteur » et que pour l'exploitant d'un site internet, il n'est pas simple de vérifier si l'auteur a donné ou non son accord.

Si selon la directive, relève la Cour2 , les États membres sont tenus de veiller à ce que les auteurs bénéficient du droit exclusif d'autoriser ou d'interdire toute communication au public de leurs œuvres, elle vise surtout à maintenir un juste équilibre entre, d'une part, l'intérêt des titulaires des droits d'auteur et, d'autre part, la protection des intérêts et des droits fondamentaux des utilisateurs d'objets protégés — en particulier, leur liberté d'expression et d'information — ainsi que de l'intérêt général. Et de rappeler sa jurisprudence selon laquelle la notion de « communication au public » implique « le caractère délibéré de l'intervention » et un nombre important et indéterminé de destinataires potentiels, outre le caractère lucratif de ladite communication au public.

Dans l'arrêt Svensson3 , il s'agissait uniquement d'hyperliens vers des œuvres rendues librement disponibles sur un autre site avec le consentement de l'auteur et dans cette hypothèse, la Cour considère, s'il s'agit d'un hyperlien mis par une personne qui ne poursuit pas un but lucratif, de tenir compte de la circonstance que cette personne « ne sait pas ou ne peut pas raisonnablement savoir que cette œuvre avait été publiée sur internet sans l'autorisation du titulaire des droits d'auteur ». Il en va, bien évidement, autrement, poursuit la Cour, lorsqu'une telle personne savait ou devait savoir que l'hyperlien placé donne accès à une œuvre illégalement publiée pour en avoir été, par exemple, avertie par le titulaire du droit d'auteur ou si ce lien permet aux utilisateurs de contourner des mesures de restriction prises par le site pour en restreindre l'accès aux seuls abonnés.

Quant au placement d'hyperliens dans un but lucratif, il peut être admis que des vérifications soient faites au préalable et dans cette hypothèse, il y a lieu de présumer que l'hyperlien a été mis en pleine connaissance de cause de la nature protégée ou non de l'œuvre qui constitue alors une « communication au public ».

Au cas particulier, relève la Cour, GS Media a fourni les hyperliens à des fins lucratives vers des fichiers contenant des photos dont Sanoma n'avait pas autorisé la publication sur internet et, en outre, les faits de l'espèce donnent à penser que GS Media était consciente du caractère illégal de la publication et le placement des liens est intervenu en pleine connaissance de leur caractère illégal.

 

  • 1Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, J.O.EU L 167, p. 10.
  • 2CJUE, 8 sept. 2016, n° C-160/15, GS Media BV c/ Sanoma Media Netherlands BV, Playboy Enterprises International Inc. et Britt Geertruida Dekker.
  • 3CJUE, 13 févr. 2014, n° C-466/12, Svensson et a.

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