Amiante : Le dernier patron d'Amisol réclame un non-lieu 40 ans après

Mis en examen en 1999 dans l'affaire Amisol, emblématique du drame de l'amiante, Claude Chopin a de nouveau réclamé jeudi un non-lieu au nom du « délai raisonnable » alors que l'enquête, ouverte il y a 17 ans, porte sur des faits commis en 1974.
Une « usine-cercueil » dont l'air était « saturé de fibres mortelles », c'est ainsi que l'association des victimes de l'amiante (Andeva) décrit encore Amisol, manufacture d'amiante de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) fondée en 1909 qui a fermé ses portes en 1974.
Les investigations avaient été lancées en 1997 — année de l'interdiction de l'amiante — après une plainte de salariés qui ont développé des maladies liées à leur exposition à cette substance cancérogène qui pourrait, selon les autorités sanitaires, provoquer jusqu'à 100 000 décès d'ici à 2025. Aujourd'hui âgé de 66 ans, Claude Chopin avait été mis en examen pour « homicides et blessures involontaires », en qualité de dernier patron de cette manufacture. Il en avait pris la tête pendant six mois en 1974, après la démission de son père Maurice qui l'avait dirigée pendant huit ans.
« L'amiante est surement un grand scandale sanitaire, mais ce dossier est un des plus grands scandales judiciaires de l'histoire récente », a dénoncé jeudi l'avocat de Claude Chopin, Me Vincent Courcelle-Labrousse lors d'une audience publique devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris.« Inéluctablement, les juridictions françaises seront condamnées par la Cour européenne des droits de l'homme pour la violation du délai raisonnable de l'enquête », a soutenu l'avocat, en observant que 40 ans après les faits, de nombreux témoins dans cette affaire ont disparu et la mémoire des autres est nécessairement imprécise.
Sur le fond du dossier, Me Courcelle-Labrousse plaide que son client a été propulsé à la tête de cette entreprise à 26 ans pour des raisons financières par son père aujourd'hui décédé, lequel demeurait le dirigeant réel de l'entreprise. Rien n'établit donc selon lui que Claude Chopin ait commis une faute caractérisée. « Quand on est patron d'une entreprise, on assume et on ne dit pas tout à coup qu'on a été trahi par son père », a rétorqué Me Jean-Paul
Teissonnière, l'avocat des salariés, qui a demandé de son côté le renvoi de Claude Chopin en correctionnelle. « En droit pénal du travail, l'employeur doit connaître la réglementation applicable », a-t-il dit en décrivant « une situation effroyable » dans l'entreprise.
En février 2013, la cour d'appel de Paris avait accordé un non-lieu à Claude Chopin, estimant notamment qu'il n'y avait pas de charges suffisantes contre lui et que personne d'autre ne pouvait être renvoyé, du fait notamment de la mort de Maurice Chopin. Saisie par les ex-salariés, la Cour de cassation a cependant annulé en juin son arrêt, insuffisamment justifié selon elle sur la question des normes de protection des salariés applicables en 1974. Jeudi, le parquet général a de nouveau requis un non-lieu. La cour d'appel rendra sa décision le 5 février.