Avocats : Une semaine de mobilisation en ordre dispersé

Plusieurs barreaux d'Île-de-France et de province ont appelé à une grève des avocats cette semaine pour protester contre le projet de réforme des professions réglementées porté par le ministre de l'économie, Emmanuel Macron, et pour alerter de nouveau au sujet de l'aide juridictionnelle.

Fait marquant par rapport aux précédentes mobilisations, le mouvement concernera également les mesures et audiences ne pouvant être reportées, comme les gardes à vue, les déferrements, ou les comparutions immédiates. Des manifestations sont également prévues vendredi devant les différentes cours d'appel du pays.

À Nantes, où les avocats sont très mobilisés et en grève depuis le 22 octobre, un procès d'assises a dû être renvoyé lundi matin car « aucun avocat ne s'est présenté », a indiqué Jacques Lapalus, le bâtonnier de Nantes. À Versailles,« les avocats feront grève dans toutes les audiences et demanderont des renvois », a assuré lundi le bâtonnier Frédéric Landon. « C'est la première fois qu'on fait une grève dans ce secteur, où la liberté des clients est en jeu », a soutenu Me Landon.

Une manifestation est prévue vendredi matin devant la cour d'appel de Versailles, qui réunira des représentants des 11 barreaux d'Île-de-France hors Paris, a précisé Olivier Fontibus, président de la conférence régionale des barreaux. Le barreau de Paris ne devrait par contre pas s'associer au mouvement, mais ne devait donner sa position officielle que mardi.

Les avocats protestent contre le projet de réforme des professions réglementées, qui doit être présenté en conseil des ministres mi-décembre. Il prévoirait notamment la création d'un statut d'avocat en entreprise, ainsi que l'ouverture aux tiers du capital social minoritaire des sociétés d'exercice libéral, à l'exclusion des banques et des compagnies d'assurance. Les sociétés d'exercice libéral sont des formes juridiques permettant aux membres de professions libérales, en l'occurrence les avocats, d'exercer leur activité sous forme de société de capitaux.

Pour le bâtonnier de Strasbourg, Me Jean-François Brun, ces projets « risquent de porter atteinte au principe d'indépendance de la profession ». Il prévoirait également un élargissement au ressort de la cour d'appel de la postulation territoriale réservant aux avocats locaux la capacité de saisir les tribunaux de grande instance en matière civile, ce qui risque de 
déboucher, selon la profession, sur des « déserts juridiques ». Les avocats s'inquiètent aussi de la réforme du financement de l'aide juridictionnelle, qui permet la prise en charge des frais de justice des citoyens les plus modestes. Le gouvernement envisage de mettre à contribution les cabinets ne pratiquant pas de missions d'aide juridictionnelle, proposition unanimement rejetée par la profession.

Le mouvement de protestation ayant laissé une large place à l'initiative locale, les barreaux ne se sont pas tous accordés sur une même journée de mobilisation. À Marseille, Strasbourg, Colmar, Lille et Metz, des appels à la grève ont également été lancés pour mardi. Mercredi, la grève est annoncée à Nancy (ainsi que vendredi), tandis que Bayonne et Thionville suivront jeudi après-midi.

Tous les barreaux de la région Nord/Pas-de-Calais sont tombés d'accord pour faire mardi une grève « de toutes les activités juridiques et judiciaires, sauf contentieux de la liberté », a indiqué le bâtonnier d'Arras, Blandine Prévost-Linquercq. « Les confrères sont exaspérés, les textes sortent sans aucune concertation », a déclaré Me Florence Rochelemagne, la bâtonnière d'Avignon, qui a lancé une grève illimitée.

La conférence des bâtonniers, qui regroupe les 163 barreaux hors Paris, a également suggéré à ses membres de mener des "communications" en direction des parlementaires.