Réforme Macron : Grèves des avocats de province avant la mobilisation nationale du 10

Plusieurs barreaux de province étaient en grève lundi pour protester contre le projet de loi du ministre de l'économie, Emmanuel Macron, plus d'une semaine avant la grande mobilisation du 10 décembre qui doit réunir l'ensemble des professions juridiques réglementées.

À Toulon et Draguignan (Var), les barreaux ont décrété une grève totale à partir de lundi. Elle affecte le secteur libéral et le secteur assisté. Il n'y a notamment plus de désignation d'avocat pour les gardes à vue ou les présentations au juge des libertés et de la détention, alors que les missions touchant à la privation de liberté étaient jusqu'ici le plus souvent sanctuarisées. 

Le barreau de Mont-de-Marsan s'est également mis en grève lundi et sera rejoint mardi par celui tout proche de Dax (Landes). Les avocats de Metz, eux, sont mobilisés depuis vendredi 28 novembre et entendent tenir jusqu'au 10 décembre. « Les avocats messins n'iront plaider à aucune audience », a dit le bâtonnier Me Bernard Petit, précisant que le mouvement de « grève totale »s'accompagnerait d'actions ponctuelles, comme un blocage du palais de justice. 

À Poitiers, le barreau a voté lundi, à une courte majorité, la reprise des audiences, après deux semaines de grève ininterrompue. Une nouvelle journée de grève est prévue vendredi. D'autres barreaux également en grève depuis le 17 novembre, date de lancement du mouvement par la Conférence des bâtonniers (qui réunit les 163 barreaux hors Paris), poursuivent leur arrêt de travail.

C'est notamment le cas de Dijon, où une assemblée générale est prévue en fin de journée pour décider de la suite du mouvement. « Pour la première fois, même les urgences ne sont pas assurées », selon le bâtonnier du barreau de Dijon, Me Emmanuel Touraille. La majorité des affaires à Dijon sont renvoyées, sauf certains cas où des avocats venant d'autres barreaux viennent plaider.

Les avocats s'inquiètent de plusieurs mesures relatives à leur profession et contenues dans le projet de loi Macron, qui doit être présenté en Conseil des ministres le 10 décembre. Le texte prévoit notamment de réformer le principe dit de la postulation territoriale, qui oblige aujourd'hui un justiciable à prendre un avocat du barreau local pour entamer une procédure civile devant un tribunal de grande instance. Il prévoit également l'ouverture d'une part minoritaire du capital des sociétés d'exercice libéral (qui permettent aux avocats de se constituer en société) aux autres professions du droit et aux experts comptables.

« On est méprisé par Bercy. Les propositions faites sont mortifères pour la profession. Si la loi Macron passe, c'est la mort de certains cabinets », a dénoncé Me Touraille, ajoutant que « l'aide juridictionnelle fait aussi partie de la grogne »« Il faut aller contre le lieu commun qui représente l'avocat ou le notaire comme un nanti. J'ai des confrères au Smic, avec en plus l'incertitude du revenu », a déclaré Me Pascal Ferrari, bâtonnier d'Auxerre, où une assemblée générale est prévue mardi soir.

Au même titre que Dijon et une dizaine de barreaux, dont Carcassonne, les avocats de Tours poursuivent leur grève « totale » (audiences et gardes à vue notamment) depuis le 17 novembre, a indiqué le bâtonnier Guillaume Bardon. Lundi toujours, à Bobigny, plus d'une centaine de professionnels du droit en Seine-Saint-Denis, avocats mais aussi notamment huissiers et notaires, ont manifesté pour exiger le retrait du projet de loi du gouvernement.

Outre la réforme Macron, l'autre grand sujet de préoccupation des avocats est le financement de l'aide juridictionnelle, qui prend en charge les frais de justice des justiciables les plus modestes. À Agen, lundi, devait être examinée par le tribunal de grande instance la demande de 192 avocats bordelais qui ont assigné l'État pour obtenir le versement d'une provision assurant le financement de l'aide juridictionnelle, qu'ils estiment en péril. L'affaire a finalement été renvoyée au 16 décembre.