Affaire Ferrand : Un avocat ne devrait pas dire ça…, selon le CNB

Le secret professionnel impose à l’avocat de se taire, selon le président du Conseil national des barreaux (CNB) Pascal Eydoux qui condamne les « récentes déclarations » de l’ancien bâtonnier de Brest Alain Castel à propos « des décisions prises par M. Richard Ferrand lorsqu’il dirigeait en 2011 les Mutuelles de Bretagne ».
« Droit fondamental du public […] à la base de la relation de confiance qui existe entre l’avocat et ses clients », le secret professionnel est « absolu » et c’est un « devoir à l’égard de tout le monde » pour le président Eydoux qui demande au conseil de l’ordre du barreau de Brest d’intervenir et d’apprécier si les déclarations de Me Castel « constituent une violation du secret professionnel auquel sont tenus les avocats ».
La meute de chiens, dixit François Mitterrand, est déchaînée depuis quelques jours et dans cette course que se livrent les journalistes dits « d’investigation », ce sont ceux du Parisien, Jean-Michel Décugis et Éric Pelletier, qui sont parvenus à mettre la main sur « l’avocat à l’origine de l’opération immobilière devenue "l’affaire Ferrand" », Alain Castel, un ancien bâtonnier de Brest aujourd’hui à la retraite.
Me Castel, à qui le CNB reproche donc de ne pas avoir su se taire, a confié aux deux journalistes du Parisien d’avoir été « choqué » à l’époque par l’opération et dénonce un « enfumage » de la part de l’actuel ministre de la cohésion des territoires qui s’est lui-même, dans le compromis de vente du 23 décembre 2010, porté acquéreur avec une « condition suspensive [manuscrite] de conclusion d’un bail » selon laquelle « les parties conviennent de soumettre les présentes à la condition suspensive de conclusion d’un bail commercial entre la SCI devant substituer Mr FERRAND et les Mutuelles de Bretagne […] avant le 31 janvier 2011».
Spécialiste des voies d’exécution, l’avocat à la retraite explique qu’en 2010, l’un de ses clients a obtenu une décision prud’homale favorable contre un expert-comptable et c’est dans le cadre de ce recouvrement forcé qu’il a diligenté une saisie immobilière des locaux professionnels du débiteur pour une vente à la barre du tribunal qui, in extremis, ont fait l’objet du compromis de vente à l’amiable entre l’expert-comptable et M. Ferrand.
Le bâtonnier Castel n’est donc pas intervenu pour la rédaction du compromis de vente et n’était l’avocat ni de l’expert-comptable ni de Richard Ferrand ni de la SCI ni des mutuelles de Bretagne, il a simplement renoncé à l’exécution forcée d’une décision de justice et a accordé un délai de quelques mois au débiteur de son client pour qu’il réalise lui-même la vente de son bien.
À cette occasion, il a néanmoins dû recevoir une copie du compromis de vente et la question soulevée par la réaction excessive du CNB est de savoir si la correspondance transmise par l’expert-comptable à Me Castel contenant une copie du compromis de vente peut être considérée comme « confidentielle » et relevant du secret professionnel « absolu » auquel serait soumis l’avocat. Sollicité par LexTimes, le président du CNB Pascal Eydoux n’en démord pas et plaide en effet pour un secret professionnel absolu erga omnes.
Le secret professionnel est mentionné à l’article 66-5, al. 1er, de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et couvre « en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères, à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention "officielle", les notes d'entretien et, plus particulièrement, toutes les pièces du dossier […] ».
Cette rédaction « en toutes matières » est issue de la loi n° 97-308 du 7 avril 1997 destinée à mettre un terme à la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui distinguait entre la protection due au secret professionnel en matière judiciaire et l’absence de protection due au secret professionnel en matière juridique mais ne sont visés que les seuls échanges entre avocats et entre avocat et client.
La position du CNB est d’autant plus surprenante que la Cour de cassation a, selon un arrêt mémorable de septembre 2011, annulé les dispositions du règlement intérieur du barreau de Paris qui avaient cru pouvoir étendre, en dehors de tout fondement légal, la confidentialité aux échanges entre l’avocat et… son bâtonnier.
Le règlement intérieur d’un barreau, avait alors dit pour droit la juridiction suprême