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Affaire Urvoas-Solère : Des magistrats se disent consternés

Par Nicolas de Will | LEXTIMES.FR |
Jean-Jacques Urvoas (G) et Thierry Solère (D). Photomontage. Jean-Jacques Urvoas (G) et Thierry Solère (D). Photomontage.

L'Union syndicale des magistrats (USM) se dit consternée par les révélations du Canard Enchaîné selon lesquelles l’ancien ministre de la justice Jean-Jacques Urvoas aurait transmis au député LREM ex-LR Thierry Solère, soupçonné de « fraude fiscale, blanchiment et trafic d’influence », via la messagerie chiffrée russe Telegram, des informations sollicitées dans le cadre des remontées d'informations prévues par l'article 35 du code de procédure pénale.

Réélu député de la neuvième circonscription des Hauts-de-Seine sans adversaire LREM lors des élections législatives de juin dernier sous l’étiquette les Républicains (LR), Thierry Solère, 46 ans, avait participé, avec Franck Riester, à la création le 21 juin 2017 du groupe les Constructifs pour « accompagner les réformes qui vont dans le bon sens et s’opposer quand il le faudra » et obtient néanmoins le troisième poste de questeur qui revient traditionnellement à l’opposition. Exclu des Républicains le 31 octobre 2017 pour être trop proche de la majorité, il a rejoint la République en marche ! le 26 novembre 2017 dont il devrait — si le président de la République Emmanuel Macron est cohérent avec lui-même et si les faits de fraude fiscale se confirment — être exclu s’il tarde à démissionner.

Fonction remontant au sénatus-consulte du 28 frimaire an XII, les questeurs « sont chargés des services financiers et administratifs. Aucune dépense nouvelle ne peut être engagée sans leur avis préalable » (art. 15, al. 1er, du Règlement de l’Assemblée nationale). Dans la pratique, les questeurs assurent la gestion administrative et financière de l’Assemblée, ils élaborent le budget de l’Assemblée, gèrent les crédits et engagent les dépenses. Poste auquel Thierry Solère a renoncé, sous la pression du président de l’Assemblée nationale François de Rugy et avant que n’éclate cette affaire Urvoas-Solère, à compter du 1er janvier 2018.

Pour avoir transmis à son ami Solère, dans l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle, une note confidentielle le concernant et émanant de la Direction des affaires criminelles et des grâces détaillant par le menu les investigations en cours, l’ancien garde des sceaux Jean-Jacques Urvoas, 58 ans, est, lui, sur la sellette pour violation du secret judiciaire et mardi la Cour de justice de la République a été sollicitée pour avis par la Cour de cassation.

« Cette scandaleuse transmission illustre une nouvelle fois, selon le syndicat de magistrats, l'urgence de réformer le statut des magistrats du parquet et couper le lien hiérarchique, vestige d'une tradition archaïque, entre le parquet et le ministre de la justice ». « Selon la décision rendue le 8 décembre dernier par le Conseil constitutionnel sur la QPC déposée par l'USM, il existe, déplore l’USM, encore deux catégories de magistrats en France : ceux du siège, indépendants, et ceux du parquet, dont l’indépendance devrait s’accommoder de la soumission au pouvoir exécutif » alors que la Cour européenne des droits de l'homme1 constate le manque d'indépendance des parquetiers français depuis près d’une décennie.

Il faut, insistent les magistrats, que le gouvernement et le parlement cessent de se retrancher derrière le caractère « prétendument inconciliable de l’indépendance du parquet et de la définition de la politique pénale générale » car il est intolérable que le lien de confiance « entre nos concitoyens et la justice soit rompu » du fait de « la suspicion sur les décisions des procureurs et de l'intervention du pouvoir exécutif dans les affaires ».

Le syndicat en appelle à une réforme immédiate pour que les magistrats du parquet ne soient plus nommés, mutés, poursuivis disciplinairement et in fine sanctionnés par le ministre de la justice, sur avis simple du Conseil supérieur de la magistrature et que les remontées d'informations dans les affaires individuelles soient supprimées car refuser l'indépendance du parquet n’est que la volonté politique « de continuer à permettre l'immixtion du gouvernement dans le traitement des affaires individuelles » et la démocratie française « mérite mieux que la persistance des pratiques dévoyées de "l'ancien monde" ».

 

  • 1CEDH, 29 mas 2010, n° 3394/03, Medvedyev et a. c/ France.

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