Agencification : Le Conseil d’État définit une doctrine d’emploi des agences

Dans son étude annuelle, le pôle conseil de la vénérable Institution du Palais-Royal fait le point sur le « processus d’agencification » et préconise 25 mesures pour le rationaliser.

Cent trois agences représentant un budget total de 330 milliards d’euros et 145 000 emplois à temps plein, soit près de 8 % des effectifs de la fonction publique étatique : voici le bilan de ces instruments de mise en œuvre des politiques publiques contenu dans l’étude annuelle 2012 du Conseil d’État, présentée hier à la presse. Une présence massive et en accélération constante, qui n’a toutefois pas fait l’objet d’une réflexion globale et se présente partant comme très morcelée, déployant la plus grande diversité de fonctions, de domaines d’action, de régime juridiques. Elle demandait ainsi une « remise en ordre d’abord conceptuelle, ensuite opérationnelle » : l’étude s’y attèle.

Dans cette jungle, qu’est-ce qui caractérise donc une agence ? Le Conseil d’État répond à cette question-défi par une définition fondée sur deux critères cumulatifs : l’autonomie, qui distingue les agences des autorités administratives indépendantes en les soumettant aux orientations de l’exécutif, et « l’exercice d’une responsabilité structurante dans la mise en œuvre d’une politique publique nationale ». Si ces caractéristiques présentent des avantages certains, permettant d’apporter de nouvelles ressources et compétences ainsi qu’un surplus de professionnalisme, de concertation et de neutralité, ces atouts sont contrecarrés par les difficultés que rencontrent les administrations centrales dans l’exercice de leurs rôles de conception et de pilotage des politiques publiques, source de perte d’efficacité.

Comment clarifier alors la place des agences au sein de l’État ? Voici le deuxième casse-tête que tente de résoudre le Conseil d’État. Il propose 25 mesures, reposant sur la volonté de renforcer la cohérence du « réseau État-agences » et articulées autour de quatre axes.

L’encadrement du recours aux agences permettrait de parer à la profusion et aux dispersions actuelles. Il se matérialiserait dans la définition de lignes directrices qui guideraient tant la création et le choix du statut que le pilotage ; il demanderait également la réalisation, en amont de tout projet de création, d’une étude d’impact et, en aval, d’une revue périodique confiée à un comité ad hoc.

L’organisation d’un cadre de références commun aux agences et aux administrations étatiques permettrait, dans son volet budgétaire, de soumettre les premières à la stratégie de performance des politiques publiques selon les objectifs définis dans la loi des finances. Sous l’angle de la gestion des ressources humaines, elle assurerait une plus grande mobilité, davantage de transparence et une meilleure harmonisation.

Le rééquilibrage des relations entre l’État et les agences autour de la notion traditionnelle de tutelle consentirait d’abandonner la distinction, inadaptée, entre conception et mise en œuvre des politiques publiques, tout en renforçant les prérogatives étatiques de décision. La convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens en deviendrait l’instrument phare, définissant les objectifs sur la base desquels les agences seraient évaluées.

La valorisation d’autres instances que le pouvoir exécutif, enfin, s’imposerait afin non seulement de respecter le rôle de contrôle des politiques publiques du Parlement, mais aussi de bien utiliser le potentiel de proximité des agences.

Fortes d’une année d’études et de 60 auditions, les prévisions du Conseil d’État sont optimistes : à condition d’être rationalisé, le processus d’ « agencification »pourrait au contraire aboutir à une action plus transparente, efficace et crédible.