Aides d'État : Bruxelles enquête sur les accords dont bénéficie Amazon au Luxembourg

La Commission européenne indique avoir ouvert une enquête approfondie quant à la décision des autorités fiscales luxembourgeoises relative à l’impôt sur les sociétés dû par Amazon au Luxembourg qui pourrait constituer une aide d’État.
« Les autorités nationales ne doivent pas permettre à des entreprises particulières de réduire artificiellement leurs bénéfices imposables en ayant recours à des méthodes de calcul favorables. Il est juste que les filiales de multinationales paient leur part d'impôts et ne bénéficient pas d’un traitement préférentiel qui équivaudrait à des subventions déguisées », a explique le vice-président de la Commission chargé de la concurrence Joaquín Almunia.
Pour le commissaire chargé de la fiscalité Algirdas Šemeta, il est « fondamental de garantir une concurrence fiscale loyale afin que le marché unique fonctionne sur des bases saines et que la prospérité économique soit partagée [...] il est essentiel de s'attaquer aux pratiques fiscales dommageables qui érodent les assiettes d'imposition des États membres de l'UE ».
La Commission rappelle que les décisions anticipatives en matière fiscale, ou« tax rulings », sont des lettres d’intention émises par les autorités fiscales qui fournissent à une société déterminée des explications claires sur la manière dont son impôt sera calculé. Elles sont notamment utilisées pour confirmer les accords de fixation des prix de transfert, c’est-à-dire les prix des biens vendus ou des services fournis par une filiale d’un groupe d’entreprises à une autre filiale du même groupe. Ces accords influencent donc la répartition du bénéfice imposable du groupe entre les filiales situées dans des pays différents et ne sont pas de problèmes « en tant que telles » mais elles peuvent impliquer l'existence d'aides d’État au sens des règles de l’UE si elles sont « utilisées pour conférer des avantages sélectifs à une entreprise ou à un groupe d’entreprises déterminés ».
En effet, explique la Commission, les prix des transactions intragroupes doivent être correctement estimés sur la base des prix du marché. Si ce n’est pas le cas, des groupes d'entreprises pourraient disposer de la possibilité de réduire exagérément leur bénéfice imposable, tandis que d'autres entreprises qui achètent et vendent des biens ou des services sur le marché plutôt qu’au sein d'un groupe seraient désavantagées.
En l'espèce, la décision anticipative en faveur d’Amazon examinée dans le cadre de cette enquête remonte à 2003 et est toujours en vigueur. Elle s’applique à Amazon EU Sàrl, une filiale d'Amazon dont le siège est au Luxembourg et qui enregistre l'essentiel des bénéfices européens d’Amazon. Sur la base d’une méthodologie définie dans la décision, Amazon EU Sàrl paie une redevance fiscalement déductible à une société en commandite simple qui est établie au Luxembourg sans y être assujettie à l’impôt sur les sociétés, ce qui fait que la plupart des bénéfices européens d’Amazon sont enregistrés au Luxembourg mais n'y sont pas imposés.
À ce stade de la procédure, Bruxelles considère que le montant de cette redevance — qui réduit les bénéfices imposables d’Amazon EU Sàrl chaque année — pourrait ne pas être conforme aux conditions du marché en réduisant artificiellement les bénéfices imposables d’Amazon EU Sàrl, et accorderait de ce fait un avantage économique à Amazon en permettant au groupe de payer moins d’impôts que les autres sociétés dont les bénéfices sont alloués conformément aux conditions du marché.
Le Luxembourg, précise le communiqué, ne s’est pas pleinement conformé à la demande de renseignements que lui a adressée par la Commission dans le cadre de son exercice de collecte d’informations sur les pratiques en vigueur dans certains États membres en matière de décisions fiscales anticipatives, ce qui justifie le déclenchement de cette enquête approfondie.