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Aides d'État : Gibraltar a accordé des avantages fiscaux illégaux à des multinationales

Par Nicolas de Will | LEXTIMES.FR |
La Commission de l'Union européenne La Commission de l'Union européenne

La Commission européenne dit avoir constaté que le régime d'exonération de l'impôt sur les sociétés (IS) appliqué aux intérêts et aux redevances par Gibraltar, ainsi que cinq rulings fiscaux, étaient illégaux au regard des règles de l'Union européenne (UE) en matière d'aides d'État et les bénéficiaires doivent rembourser les impôts économisés pour environ 100 millions d'euros.

« Notre enquête a révélé que Gibraltar avait accordé des avantages fiscaux sélectifs indus à plusieurs entreprises multinationales, au moyen d'un régime d'exonération de l'impôt sur les sociétés et de cinq rulings fiscaux, a déclaré la commissaire chargée de la politique de concurrence Margrethe Vestager, pour qui ce traitement fiscal préférentiel est illégal au regard des règles de l'UE en matière d'aides d'État et Gibraltar doit à présent récupérer les impôts impayés. » « Je me félicite, a toutefois ajouté la commissaire, des importantes mesures prises par Gibraltar pour supprimer les exonérations fiscales illégales, simplifier sa pratique en matière de rulings fiscaux et renforcer les règles applicables aux prix de transfert, mesures qui devraient contribuer à reléguer ces problèmes aux oubliettes. »

C’est en octobre 2013 que la Commission avait ouvert une enquête approfondie concernant le régime de l'impôt sur les sociétés de Gibraltar, afin de vérifier si le régime d'exonération de l'impôt sur les sociétés appliqué entre 2011 et 2013 aux revenus d'intérêts, générés par les prêts intragroupe, et aux revenus de redevances favorisait de manière sélective certaines catégories d'entreprises. L’enquête avait été entendue, au mois d’octobre 2014, à la pratique des rulings fiscaux et plus particulièrement à 165 rulings fiscaux émis entre 2011 et 2013. Il est en effet interdit d'accorder des avantages fiscaux à certaines entreprises uniquement car cela fausse la concurrence. De l’enquête, il est ressorti que le régime d'exonération de l'IS appliqué par Gibraltar aux intérêts et aux redevances de 2011 à 2013, ainsi que cinq rulings fiscaux individuels, procuraient de tels avantages fiscaux sélectifs et étaient donc illégaux au regard des règles de l'UE.

Exonérations de l'impôt sur les sociétés pour les revenus d'intérêts et de redevances

Conformément au système fiscal territorial applicable à Gibraltar, les entreprises doivent payer l'IS sur les revenus générés ou trouvant leur origine à Gibraltar mais l'enquête a cependant révélé que les sociétés bénéficiaires d'intérêts ou de redevances étaient exonérées, sans raison valable d'impôts à Gibraltar, ce qui favorisé une série de sociétés appartenant à des groupes multinationaux et exerçant certaines fonctions, telles que les prêts intragroupe ou l’utilisation de droits de propriété intellectuelle.

Ce traitement fiscal sélectif accordé à des entreprises multinationales leur a procuré un avantage par rapport à d'autres entreprises et a faussé la concurrence et la Commission en a conclu que l'exonération fiscale en faveur des entreprises bénéficiaires d'intérêts ou de redevances, telle qu'appliquée par Gibraltar entre 2011 et 2013, était « illégale au regard des règles de l'UE en matière d'aides d'État et devait être récupérée auprès des entreprises » mais se félicite qu’entre-temps Gibraltar a aboli cette exonération fiscale illégale, en juillet 2013 pour les revenus d'intérêts et en janvier 2014 pour les revenus de redevances.

La pratique des rulings fiscaux de Gibraltar entre 2011 et 2013

Après avoir procédé à un examen approfondi de 165 rulings fiscaux accordés par Gibraltar, la Commission a conclu que seulement cinq de ces rulings fiscaux, consentis en 2011 et 2012, à de grandes multinationales, constituaient des aides d'État illégales et concernaient le traitement fiscal de certains revenus générés par des sociétés en commandite néerlandaises. Selon la législation en vigueur à Gibraltar et aux Pays-Bas, les bénéfices réalisés par une société en commandite aux Pays-Bas devraient être imposés au niveau des associés mais dans les cinq affaires en question, les associés des sociétés en commandite néerlandaises étaient fiscalement domiciliés à Gibraltar, où ils auraient dû être imposés mais ne l’ont pas été.

Ces rulings ont continué de s'appliquer et ont permis l'exonération des intérêts et des redevances même après que Gibraltar eut adopté des modifications législatives visant à soumettre ces revenus à l'impôt, en 2013 (pour les intérêts passifs) et en 2014 (pour les redevances). Les exonérations en question ayant procuré un avantage sélectif indu à leurs bénéficiaires, la Commission a considéré ces cinq rulings fiscaux illégaux et qu'il devait être procédé à la récupération de cet avantage.

Au cours de l'enquête menée par la Commission, Gibraltar a modifié ses règles fiscales, entrées en vigueur en octobre dernier, afin d'améliorer la procédure en matière de rulings fiscaux, de renforcer les règles applicables aux prix de transfert, d'accroître les obligations des contribuables (déclarations annuelles et communication d'informations pertinentes lors de l'introduction de demandes de rulings,…) et améliorer la transparence sur les modalités de mise en œuvre de son système d'imposition territorial.

Récupération des aides illégales

Les règles de l'UE en matière d'aides d'État imposent que les aides d'État incompatibles avec le marché intérieur soient récupérées afin de supprimer la distorsion de concurrence qu'elles ont engendrée mais ne prévoient pas d'amendes et la récupération ne pénalise pas l'entreprise en cause puisqu’elle sert simplement à rétablir l'égalité de traitement avec les autres entreprises.

Gibraltar doit en l’espèce récupérer les impôts impayés par les entreprises qui ont bénéficié du régime d'exonération de l'impôt sur les sociétés appliqué par Gibraltar aux intérêts et aux redevances de 2011 à 2013 et par celles qui ont bénéficié du traitement fiscal illégal en application des cinq rulings fiscaux, à savoir : Ash (Gibraltar) One Ltd, Ash (Gibraltar) Two Ltd, Heidrick & Struggles (Gibraltar) Holdings Ltd, Heidrick & Struggles (Gibraltar) Ltd et MJN Holdings (Gibraltar) Ltd. Les montants à récupérer dépendent de la situation fiscale de chaque bénéficiaire et doivent être déterminés par les autorités fiscales de Gibraltar, sur la base de la méthode établie dans la décision de la Commission qui estime, sur la base des informations dont elle dispose, que les montants impayés avoisinent les 100 millions d'euros au total.

 

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