AJ : Un protocole qui n'est pas du goût de tout le monde

Le mouvement de grève a été suspendu aujourd'hui dans un grand nombre de barreaux, au lendemain de la signature d'un accord entre Chancellerie et avocats sur la réforme de l'aide juridictionnelle, selon des données collectées par le Conseil national des barreaux (CNB) et l'AFP.

Après près de trois semaines de mobilisation contre le projet de réforme de Christiane Taubira, les représentants des avocats ont signé mercredi à la chancellerie un protocole d'accord de sortie de crise sur le dossier de l'aide juridictionnelle (AJ) qui permet au plus démunis de bénéficier des services d'un avocat.

L'annonce de cet accord a été diversement accueillie jeudi dans les 164 barreaux de France dont 159 étaient en grève jusqu'à mercredi. Si un grand nombre d'entre eux se sont déjà prononcés sur les suites de leur mouvement, d'autres le feront demain. Plus d'une dizaine de barreaux ont décidé de poursuivre la grève au moins jusqu'à vendredi, selon le CNB, qui représente les avocats français. Parmi eux, figurent ceux du Nord-Pas-de-Calais (dont Arras, Béthune, Boulogne-sur-Mer, Valenciennes et Lille), de Nancy, Laval, Limoges, La Roche-sur-Yon ou Dieppe.

Tous les autres sollicités par le CNB ou les bureaux de l'AFP, soit plus d'une soixantaine de barreaux, ont répondu qu'ils suspendaient leur mouvement tout en restant vigilants sur les négociations à venir. Parmi eux figurent les barreaux de Marseille, Lyon, Toulouse, Metz, Strasbourg, Épinal, Nîmes, Montpellier, Nice, Grasse, Ajaccio, Bastia ou ceux du grand ouest, Nantes, Rennes, Le Mans, Tours, Bourges et Evreux.

Du côté des mécontents, le bâtonnier de Lille Vincent Potié a dénoncé un protocole qui n'a « strictement aucune valeur juridique d'engagement »« Ce qui s'est passé, c'est que Mme Taubira nous fait l'aumône de 3 euros par jugé, c'est à dire juste une petite humiliation de plus, en disant "Avec ça, tu vas être calme". Ce n'est pas acceptable », a-t-il jugé. En Seine-Saint-Denis, département populaire qui concentre 10 % de l'AJ nationale, le tribunal fonctionnait toujours au ralenti. Selon le bâtonnier Stéphane Campana, « On peut penser qu'il sera décidé de lever la mobilisation vendredi soir »« Il faut éviter la surenchère. Que les mécontents lisent bien le protocole. Il comporte une solution transitoire pour 2016, mais aussi un programme par lequel le CNB va essayer de trouver une solution pérenne pour financer l'AJ », a défendu vendredi son président Pascal Eydoux.

Le protocole d'accord prévoit une augmentation de la rétribution des avocats par un relèvement de l'unité de valeur — représentant une demi-heure de travail — de 12,6 % en moyenne, entre 26,50 euros et 28,50 euros selon les barreaux, sans modification du barème, c'est-à-dire sans modifier le nombre d'UV par prestation. Il précise également que la réforme de l'AJ « ne sera pas financée par un prélèvement sur les produits financiers des fonds Carpa [ni] par une taxe spécifique sur la profession ». Il prévoit en outre que les parties conviennent de poursuivre des discussions pour trouver notamment « une pérennisation du financement de l'aide juridictionnelle prenant en compte les propositions de la profession ».

Côté syndicats, le Syndicat des avocats de France (Saf) et la Fédération nationale des unions de jeunes avocats (Fnuja) jugent à l'unisson les propositions du gouvernement « insuffisantes », le premier appelle « l'ensemble des avocats à maintenir la mobilisation par des modes d'action diversifiés, déterminés en assemblée générale ou dans les conseils de l'orre, qui permettront d'aboutir à une véritable réforme de l'accès au droit » et la seconde considère qu'il est « impératif de passer d'une logique d'indemnisation à une logique de rémunération » pour les avocats qui se consacrent à la défense des plus démunis et dont la charge incombe à l'État.