Alstom : GE valorise l’action autour de 40 €, le gouvernement en veut à 28 €

Après huit semaines d’intenses discussions avec General Electric, Siemens et Mitsubishi Heavy Industries pour la cession de tout ou partie du « fleuron » français Alstom, le ministre de l’économie et du redressement productif Arnaud Montebourg a annoncé vendredi soir une alliance avec le conglomérat américain et la volonté du gouvernement de voir Bouygues lui rétrocéder pour 1,72 milliard d’euros les 20 % de la société qu’il lui a lui-même cédés, il y a huit ans, pour 2 milliards après le sauvetage de 2004.
On ne sait encore, à ce stade, si la Commission européenne qui veille au respect des règles gouvernant la concurrence et les aides d’État au sein de l’Union permettra effectivement au gouvernement d’entrer prochainement dans le capital d’Alstom comme il le souhaite alors que la société n’est pas exsangue comme elle l’était il y a dix ans. Mais, à supposer un instant l’obstacle bruxellois franchi, ce qui anime ces dernières heures la gente médiaque et politique c’est la sanction/nationalisation partielle à vil prix que voudrait imposer l’État à Bouygues pour ne pas l’avoir tenu informé des négociations confidentielles avec GE au cours des mois précédant l’annonce du 30 avril dernier.
Une revanche bien mesquine digne des pays totalitaires les plus détestables que le gouvernement aura du mal à faire passer et devrait imposer la démission des principaux protagonistes si, à ce stade, l’alliance GE-Alstom capotait du seul fait que l’État refuserait de payer le prix du marché pour entrer dans le capital d’une société censée relever de ses « intérêts stratégiques vitaux ».
« Bras de fer autour de la participation de Bouygues », titre lesechos.fr et « L'Élysée suspend la reprise par General Electric à un accord avec Bouygues » pour leparisien.fr qui, tous, relaient une information de l’Agence France-Presse selon laquelle le vendeur — et qui pourrait le blâmer ? — exigerait au moins 35 euros pièce pour ce qui en vaut au moins 40 et que l’État veut payer au prix de clôture de bourse de vendredi, soit juste 28 euros la figure pièce, valorisant Alstom à peine 8,64 milliards d’euros compte tenu des incertitudes qui pesaient sur la société jusqu’à la dernière seconde de 17h35 vendredi à la suite du chaud et du froid que souffle le gouvernement depuis huit semaines au mépris des intérêts des actionnaires et de la leçon que le petit Montebourg entend infliger au président du conseil d’administration de la société, Patrick Kron, qui l’a tenu dans l’ignorance des négociations confidentielles avec le géant américain.
Mais vouloir imposer ou ne fut-ce que suggérer de vouloir payer pour la totalité du fleuron 28 euros alors que les trois-quarts que représentent le pôle énergie de la société sont valorisés plus de 40 euros par GE qui n’en aura pas le total contrôle via trois coentreprises à 50/50 relève davantage de la psychiatrie que des sciences économiques, financières ou juridiques.
Sur les forums boursiers ce matin et notamment sur le forum Alstom deboursorama.com, la panique est à son comble et d’aucuns s’interrogent sur l’amateurisme de ce gouvernement qui multiplie, sciemment ou non, manipulations de cours et délits d’initié à répétition en toute impunité sans que l’Autorité des marchés financiers (AMF) — prompte pourtant, parfois, à réagir pour pas « grand-chose » — ne lance un seul rappel à l’ordre depuis huit semaines ou fasse en sorte que tous les petits et grands actionnaires — présents, anciens et futurs — soient mis sur le même pied d’égalité. Comment se fait-il qu’un malotru de Bercy puisse décider d’acheter 61,74 millions d’actions d'une société cotée sur un marché réglementé à un prix farfelu sans en informer préalablement le vendeur désigné ou potentiel ? Si cette tentative de nationalisation partielle à vil prix s’était déroulée dans une contrée sauvage lointaine, on aurait crié au scandale. Ici, on espère que l’État et Bouygues trouveront un terrain d’entente d’ici lundi matin, avant 9 heures, pour ne pas perturber le marché. On croit rêver et effectivement c’est de rêve qu’il était question en août 2011.
N’empêche que certains ont investi leurs économies dans la société Alstom cotée en bourse et en appellent au gendarme pour siffler la fin de la partie et imposer à l’État d’acheter les titres qu’il convoite au prix du marché, mais pas seulement une offre en direction de Bouygues mais faire une offre identique à tous les actionnaires d’Alstom. L’Autorité des marchés financiers a donc été ce week-end destinataire de plusieurs signalements dont un que LexTimes.fr a relevé sur un forum boursier.
« Les annonces et gesticulations du gouvernement et du président de la République des derniers jours et semaines autour du dossier Alstom ont fait chuter le titre jeudi de 6,01 % à 27,70 € dans des volumes trois fois supérieur à la moyenne et vendredi, dans des volumes tout aussi important, la valeur n'a repris que 1,08 % à 28 € », écrit un client de Boursorama banque sur le forum Alstom. « C'est à ce prix de 28 €, poursuit-il, que l'État, après bourse, a décidé "de nouer une alliance avec GE" et a annoncé son intention de vouloir racheter les deux tiers de la participation de Bouygues dans la société ».
Comment se fait-il, se demande-t-il, « que l'Autorité des marchés financiers — autorité administrative indépendante ? — reste muette devant autant de manipulations de cours et de délits d'initié au plus haut niveau de la sphère gouvernementale ? » La question est posée. La réponse est attendue avant lundi 9h00.