Analyse : Tarkett victime des événements de Crimée

Victime collatérale de l’annexion de la Crimée par la Russie, la société de revêtements de sols Tarkett [FR0004188670, TKTT] fait des débuts poussifs à la bourse de Paris où elle a été introduite il y a un peu plus de quatre mois à 29 euros.
Après avoir atteint un zénith à 32,90 euros le 26 février, le titre a baissé de manière ininterrompue jusqu’au 28 mars pour atteindre un plancher en séance de 24,83 euros (-24,53 %) malgré son arrivée au sein du SBF120 le 24 mars et la fin du mois boursier le lendemain qui auraient normalement dû mettre un terme à la spirale baissière par l’arrivée de gérants indiciels sur la valeur et la prise de bénéfices par les vendeurs à découvert qui l’avaient mise au tapis en moins de quatre semaines.
Il se fait que, coïncidence ou pas, le 24 mars, le décollage de Tarkett a été plombé par une dépêche
La descente aux enfers a donc continué jusqu’au vendredi 28 mars pour Tarkett lorsqu’elle a signé un plus bas historique en séance à 24,83 euros et « le salut »— momentané — n’est venu que « grâce » aux difficultés de la banque en ligne Fortuneo, une filiale du Crédit mutuel Arkéa, qui peine à trouver des prêteurs pour couvrir ses positions vendeuses. Résultat, une accalmie passagère qui a permis au titre de reprendre 10,47 % en l’espace de trois jours avant de repartir — les positions vendeuses non couvertes de Fortuneo et de quelques autres sans doute ayant été soldées de gré ou de force — à la baisse et de signer ce soir sa première nouvelle baisse (-1,78 %) depuis vendredi dernier qui devrait être suivie de beaucoup d’autres jusqu’au 16 avril.
L’exposition à l’Europe de l’Est et à la Russie du fabricant de revêtements de sols en vinyle et linoleum, de parquets et de surfaces sportives est en effet relativement importante puisqu’il y réalise environ 60 % de son excédent brut d’exploitation et que la Russie génère, à elle seule, près des trois quarts de cet excédent brut d’exploitation est-européen. Cette surexposition, pour Ambroise Ecorcheville de Dow Jones, limite la visibilité de la valeur sur ses perspectives et« ce qui devrait constituer l’un de ses atouts est à court terme perçu comme sa principale faiblesse » par les marchés.
Dans l’entretien accordé à BFM Business, le patron de Tarkett explique que la CEI (Communauté des États indépendants, ex-URSS) représente environ un quart du chiffre d’affaires de la société et était jusqu’à présent en forte croissance mais subissait déjà avant la crise des effets de change négatifs dus aux dévaluations à répétition. Deux augmentations de 5 % chacune sont intervenues l’année dernière pour les compenser et une troisième était d’ores et déjà programmée pour le premier avril, soit trois fois 5% en 9 mois pour compenser partiellement les dévaluations de ces monnaies par rapport à l’euro. Présent dans la zone depuis 12 ans, Tarkett connaît bien la région et pense pouvoir maîtriser la situation mais il est indéniable que les événements de ces derniers mois auront un impact à court terme. « Il s’agit simplement d’un problème conjoncturel », assure Michel Giannuzzi pour qui la croissance — de la zone et de Tarkett — n’est que « différée ».
L’année dernière, le groupe Tarkett a réalisé un chiffre d’affaires mondial de 2,5 milliards d’euros et a généré un résultat net de 99 millions d’euros, soit un bénéfice net par action (BNA) de 1,60 euros. Pour 2014, ce BNA était attendu en hausse de 21,25 % à 1,94 euro mais la croissance n’étant pas au rendez-vous et les dévaluations se multipliant au cours de ces derniers mois, il pourrait être amputé d’un quart voire d’un tiers. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, il faudra tenir compte aussi du fait que le fond d'investissement KKR, qui détient encore 21,5 % du capital de Tarkett, ne sera plus tenu de conserver ses titres au-delà du 23 mai prochain. À surveiller donc et à y entrer sur net repli ou attendre quelques mois.