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Associations : Initiadroit reconnue d'utilité publique

Par STÉPHANE MALKA | LEXTIMES.FR |

Ils sont des avocats bénévoles, qui se rendent dans des écoles pour éveiller les enfants et adolescents au droit. Leur association s'appelle Initiadroit, et elle vient d'être reconnue établissement d'utilité publique par un décret en date du 20 septembre, ce qui, en plus d’accorder des avantages fiscaux, constitue un label de qualité. Leur méthode consiste à intéresser les élèves en prenant des exemples très concrets et parlants, basés sur des situations qu'ils peuvent rencontrer dans leur vie de tous les jours. Lucile Rambert-Louvier, avocate et directrice de l'association, et Didier Cayol, avocat honoraire et délégué général, nous présentent Initiadroit, présidée par le bâtonnier de Paris Jean Castelain. 

LexTimes.fr : À quand remonte la création d'Initiadroit ? 
Didier Cayol : Le point de départ remonte à 1998. C'est une période pendant laquelle nous avons essayé, en tant que membres de l'ordre des avocats de Paris, d'agir sur la présence de l'avocat dans la cité. Nous avons travaillé avec des ONG comme la Croix-Rouge, le Secours Populaire, les Restaurants du cœur, etc... Nous nous sommes très vite aperçus qu'en définitive, ce que l'on voulait faire était de démontrer aux plus jeunes d'entre nous que le droit était partout. Qu'ils vivaient le droit, que sans le droit il n'y avait pas de justice et pas de vie en commun. Nous nous sommes développés petit à petit en mettant au point avec les professeurs notre méthode d'intervention en classes, que l'on peut visionner sur notre site internet initiadroit.com.

Aujourd'hui, quelles sont les activités menées par l'association ? 
Didier Cayol : Ce sont donc pour l'essentiel des interventions dans des collèges et lycées. Mais organisons également tous les deux ans des coupes des élèves citoyens, qui font concourir des classes de toutes les académies de France. Elles travaillent sur des sujets d'ordre général liés au droit, nous avons eu par exemple "le dopage est t-il contraire à l'égalité des chances", "la violence dans le sport", ou encore le sujet de l'an prochain : "le net, toi et la loi".

Qui sont les personnes qui effectuent les interventions en école ? 
Didier Cayol : Oui. Nous avons commencé à 5 ou 6 avocats, nous sommes passés assez rapidement à 50 puis à 200, puis à 500... Actuellement nous sommes sur toute la France à peu près 900 avocats bénévoles. Tous les déplacements faits par les avocats dans les collèges et dans les lycées sont gratuits. L'avocat choisit avec le professeur le thème qu'il devra traiter lorsqu'il viendra dans la classe. Nos intervenants sont donc volontaires, et ils reçoivent une formation. Nous leur recommandons de se mettre au niveau de parole de leur public. On ne parle pas à un enfant de sixième en "plaidant", on n'est pas en robe ! Chaque avocat va au moins deux fois dans l'année dans la même classe. Deux fois une heure dans une classe de collège, deux fois deux heures dans une classe de lycée. 
Lucile Rambert-Louvier : En tout, en France, nous avions compté qu'il y avait 30 000 élèves qui avaient deux fois dans l'année la visite d'un avocat, ce qui est quand même énorme. J'estime à 200 le nombre d'établissements concernés.

Sur quels types de sujets se déroulent concrètement ces interventions ? 
Lucile Rambert-Louvier : Au départ nous intervenions dans les établissements selon les demandes... Et puis nous avons commencé à travailler avec le rectorat de l'académie de Paris, qui nous a conseillé de nous rapprocher des associations de professeurs d'histoire et de géographie, que nous pourrions aider sur l'apprentissage de l'éducation civique. Nous avons pris les programmes de la sixième à la terminale, et nous avons pointé les sujets que les professeurs pourraient être un peu "embêtés" pour illustrer. Nous sommes des praticiens, et nous sommes plus à l'aise pour expliquer par exemple ce qu'est un contrat... Nous arrivons réussi à mettre en place une vraie complémentarité avec les professeurs. Pour chaque niveau de classe on propose quatre thèmes dans l'année. Les élèves de quatrième ont ainsi le choix entre "le respect du bien d'autrui", "les violences verbales physiques et sexuelles", "la complicité, la dénonciation et la récidive" ou encore "le vol le recel et les poursuites pénales". 

Est-il facile d'intéresser des jeunes à des sujets de ce type ? 
Lucile Rambert-Louvier : C'est génial !
Didier Cayol : Oui, que ce soit dans des classes normales, ou des ZEP, ou des endroits particulièrement difficiles. On part d'une situation juridique précise, en racontant une histoire et on interpelle la classe. En moins de 10 minutes, les élèves lèvent le doigt pour nous interroger sur divers points.
 

Quel type d'exemples prenez-vous ?
Lucile Rambert-Louvier : Nous prenons des cas pratiques. Il y en a un par exemple que nous utilisons en classe de cinquième, avec des protagonistes qui ont l'âge des élèves, afin qu'ils puissent s'identifier et vraiment vivre le droit... Une histoire d'enfants de 10 et 12 ans, confiés à la garde des grands-parents pendant les grandes vacances. Arrive le 14 juillet, ils veulent allumer des pétards. Ils demandent à leur grand-père un briquet, qui le leur donne sans rester à côté d'eux. Ils vont dans le fond du jardin et mettent feu involontairement à la branche du voisin... la grange brûle. On fait réagir les élèves sans leur donner la solution, on leur fait deviner qui sont les parties en cause, qui va demander quoi, quel est le problème de droit, que va décider le juge... Et les élèves s'approprient le droit, ils comprennent que c'est fait pour eux, que c'est plein de logique et que c'est fait pour savoir vivre ensemble, que c'est le ciment de la démocratie. 

Qu'avez-vous l'impression d'apporter aux classes à travers vos interventions ? 
Didier Cayol : Ils sont en général heureux qu'on leur apporte ces règles. D'autant plus que nous avons un principe qui nous gouverne, c'est que nous ne devons pas d'abord partir d'un problème pénal. Nous leur disons que le pénal est l'accident du droit, mais que le droit c'est la vie de tous les jours, de chaque instant. Quand vous prenez un téléphone, vous faites du droit. Quand vous ne payez pas un ticket de métro, vous faites du droit. 
Lucile Rambert-Louvier: Un autre principe absolument fondamental, qui est dans nos statuts, est que notre association est aconfessionnelle et apolitique. Nous sommes des gens engagés en tant qu'avocats, mais quand nous sommes en classe nous sommes là pour dire le droit, l'état du droit à l'instant T. Ce qu'on veut, c'est apprendre aux élèves à se battre pour leurs idées de façon légale, loyale, mais en tout cas, nous, on ne prend jamais parti.
 

Faudrait-il selon vous créer une matière "droit" au collège et au lycée ? 
Lucile Rambert-Louvier : Nous on en rêve ! On voudrait que le droit devienne une matière académique. Même pour ce qui est de l'éducation civique, nous regrettons qu'il n'y ait pas un examen au niveau du baccalauréat. Le droit apprend aux élèves à réfléchir, éveille leur niveau de conscience, c'est vraiment très précieux et je voudrais, s'il y a un plaidoyer à faire, que cela devienne une matière, pas optionnelle, mais obligatoire. 

Que va vous apporter cette reconnaissance d’utilité publique que vous venez d’obtenir ? 
Lucile Rambert-Louvier : C’est comme un label de qualité. Cela pourrait aussi nous permettre d’avoir des financements pour pouvoir encore mieux travailler, faire plus de déplacements, plus rayonner… C’est important également parce que nous sommes connus dans la profession mais moins connus des tiers. La reconnaissance d’utilité publique permet à des entreprises de nous connaître, des entreprises qui ont des objectifs de citoyenneté peuvent aussi être intéressées par notre travail, et nous aider à nous implanter encore mieux. 

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