Avocats : Appel du CNB à la grève de l'aide juridictionnelle

Le Conseil national des barreaux (CNB) a appelé hier soir tous les bâtonniers et les barreaux de France à cesser « toute désignation » et « mise à disposition de moyens »nécessaires « au fonctionnement de l'aide juridictionnelle »pour protester contre la réforme de Christiane Taubira.

Le CNB, qui représente les quelque 67 000 avocats français, s'est prononcé à l'unanimité lors d'une assemblée générale extraordinaire, à la veille de son premier congrès qui se tient aujourd'hui à Paris en présence du ministre de l'économie Emmanuel Macron, mais sans la garde des sceaux en déplacement à Bruxelles.

L'aide juridictionnelle permet aux plus démunis d'accéder à la justice. La grève de l'aide juridictionnelle risque de perturber le fonctionnement de la justice, les parquets devant désormais se passer du soutien des barreaux pour trouver des avocats susceptibles de répondre aux demandes des justiciables.

Le projet de réforme de la garde des sceaux, Christiane Taubira, prévoit notamment un prélèvement de cinq millions d'euros en 2016 et dix millions d'euros en 2017 sur les intérêts de fonds placés dans des caisses gérées par les avocats, pour boucler un budget en augmentation. Mais tous les représentants de la profession, le CNB, le barreau de Paris et la conférence des bâtonniers s'opposent à cette contribution financière, arguant que les avocats participent déjà largement au fonctionnement de l'AJ pour laquelle ils estiment être mal rémunérés.

Dans sa délibération, l'assemblée générale du CNB rappelle que « les avocats supportent seuls la charge de la solidarité nationale en percevant une rétribution dérisoire qui n'a pas été revalorisée depuis 2007 tandis que la profession contribue à hauteur de 17 millions d'euros au fonctionnement de l'aide juridictionnelle » et indique avoir proposé à la chancellerie de participer d'une autre manière à la modernisation de la justice, en collaborant à la mise en place du portail internet « Portalis » destiné aux démarches en lignes, et avoir avancé des propositions « permettant d'obtenir une juste rétribution des missions des avocats ». Elle dénonce aussi « l'attitude inacceptable du gouvernement qui veut imposer une participation financière supplémentaire de la profession comme préalable à toute négociation ».

Initiée en 1972, le principe de « l'aide judiciaire », qui remplaçait une assistance reposant sur la charité, est devenu en 1991 « l'aide juridictionnelle » avec la mise en place d'un barème de rémunération des avocats. Il se fonde sur une unité de valeur (UV) de référence correspondant à une demi-heure de travail. Sa valeur fixée à 22,50 euros n'a pas bougée depuis 2007. Christiane Taubira s'est fixé pour objectif de réformer ce système en augmentant le budget de l'AJ qui, de l'aveu même de la ministre mériterait d'être doublé, le périmètre de ses interventions et la rémunération des avocats.

Le projet prévoit notamment une augmentation du budget, actuellement de 375 millions d'euros pour plus de 900 000 bénéficiaires, à 405 millions d'euros en 2016 et 445 millions d'euros en 2017. Il entend par ailleurs relever de 941 à 1 000 euros le plafond des revenus permettant d'accéder à une prise en charge totale par l'AJ, ce qui, selon la 
chancellerie devrait permettre à plus de 100 000 nouveaux justiciables d'en bénéficier. La rétribution des avocats serait, elle, revalorisée avec une UV portée à 24,20 euros.

Aujourd'hui, des appels à manifester contre le projet Taubira à l'ouverture du congrès des avocats ont été lancés par le Syndicat des avocats de France (SAF) et l'Union des jeunes avocats (UJA).