Avocats : Le conseil de l’ordre de Paris ouvre ses portes

Séance du conseil de l'ordre de Paris du 19 janvier 2016. Capture d'écran Jon Helland pour LexTimes.fr.

Petite révolution démocratique au barreau de Paris dont le nouveau bâtonnier, Frédéric Sicard, qui a pris ses fonctions il y a trois semaines, a décidé de rendre accessible à ses confrères la quasi-totalité du contenu des réunions hebdomadaires dans la sacro-sainte salle de réunion du conseil de l’ordre des avocats de Paris.

Les quelque 28 000 avocats parisiens ont reçu hier un lien permettant à ceux disposant d’une clé les reliant au RPVA (réseau privé virtuel des avocats) de visionner 165 minutes de la séance de mardi dernier au cours de laquelle il a été question de constitutionnaliser le droit à un avocat, de mettre en place une plateforme de participation contributive et de rétablir l’élection de confirmation du bâtonnier désigné et ses 12 mois de dauphinat.

Toute personne a droit à l’assistance d’un avocat
Projet du barreau de Paris de modification de l'article 66 de la Constitution, 19 janv. 2016

À l’occasion de la réforme constitutionnelle en gestation sur l’état d’urgence, le barreau de Paris va se lancer dans un intense lobbying, avec l’appui souhaité du CNB (Conseil national des barreaux) espère-t-il, pour faire admettre aux députés et sénateurs de l’intérêt de modifier l’article 66 de la Constitution pour y inclure « le droit à un avocat ». Deux versions relativement longues où il était question d’ « avocat libre et indépendant » et de « sa » ou de « la » déontologie sous le « contrôle de l’ordre » étaient proposées à la discussion des membres du conseil.

Une troisième, plus ramassée, en cours de séance, a été proposée fort intelligemment par l’ancien bâtonnier Jean Castelain : « Pour assurer la défense de ses droits et libertés, toute personne a droit à l’assistance d’un avocat » et c’est elle qui fut finalement retenue par 18 voix contre pas grand-chose pour les deux premières et une quatrième qui se proposait d’en faire la synthèse mais c’était sans compter sur la ténacité de certains qui suggérèrent alors d’y adjoindre « libre et indépendant » après le mot avocat alors que pour d’autres cette adjonction est manifestement superfétatoire puisque, par définition, l’avocat est « libre et indépendant » et cette adjonction pourrait laisser même alors supposer qu’il existe en France des avocats qui ne seraient pas libres et indépendants.

Mise au vote, c’est la proposition épurée qui remporta 21 voix contre 18. Et c’est alors que devant certaines mines déconfites, il a été nécessaire que le bâtonnier Sicard intervienne pour préciser que le procès-verbal indiquera que les 18 qui ont voté contre n’ont pas voté contre la proposition mais auraient voulu qu’on y adjoigne « libre et indépendant ». De même, a-t-il été nécessaire de préciser, les 21 qui ont voté pour mais contre le fait qu’on y adjoigne « libre et indépendant » n’ont, en réalité, pas voté contre le fait que l’avocat soit libre et indépendant mais parce que c’est tout simplement « consubstantiel ».

Une plateforme de participation contributive

Second sujet et c’est une bonne nouvelle pour les avocats parisiens qui regrettent la mise au placard des colonnes et qui se plaignent depuis des lustres qu’on ne les consulte plus sur rien, une plateforme de « participation contributive » — à l’instar de celle mise en place par le gouvernement lors de la discussion sur le projet de loi pour une République numérique — devrait voir le jour mi-mars 2016 et permettre ainsi à tous les avocats parisiens de donner leur avis sur tous les sujets qui les intéressent. Inutile de dire que la proposition a remporté tous les suffrages.

Et puis, il a été question, en l’absence de l’ancien bâtonnier Pierre-Olivier Sur, du rétablissement de l’élection de confirmation du bâtonnier désigné et du dauphinat rétabli à 12 mois.

Enterrement de l'élection de confirmation du bâtonnier mais le dauphinat de 12 mois est rétabli

Après un exposé par l’ancien bâtonnier Paul-Albert Iweins sur ces deux points qui ont perturbé le barreau et alimenté les polémiques au cours des deux dernières années, il est ainsi proposé de faire marche arrière mais de manière fort discrète — sans qu’il soit toutefois question d’aller quémander officiellement Place Vendôme un retour en arrière si rapide pour ne pas ridiculiser toute la profession pour les dix prochaines décennies — en l’inscrivant simplement, à l’abri des regards indiscrets, dans le RIBP (règlement intérieur du barreau de Paris) et en laissant le soin aux prochains bâtonniers de respecter ou non cette disposition.

Avec 3 pour et 1 abstention, la proposition de rétablissement de l’élection de confirmation du bâtonnier désigné est définitivement enterrée. Le dauphinat, en revanche, sous un autre nom probablement car sa connotation monarchique déplaît à beaucoup, a rencontré les faveurs de la majorité avec seulement 5 contre et 1 abstention. L’élection du prochain « dauphin » est d’ores et déjà programmée pour décembre 2016.