Avocats : Le rapport Perben sur l’avenir de la profession

Dans un rapport remis mercredi au garde des sceaux Éric Dupond-Moretti sur « l’avenir de la profession d’avocat », la commission présidée par Dominique Perben formule treize recommandations pour permettre aux avocats d’améliorer leur « situation économique », faire « évoluer leur offre » et améliorer leurs « relations avec les magistrats ».
En grève perlée pendant tout l’hiver pour protester contre la réforme des retraites prévoyant l’intégration de leur caisse de retraite excédentaire dans un système universel déficitaire et ensuite confinés malgré eux pendant presque tout le printemps, la profession d’avocat — plus particulièrement voire principalement la « jeune avocate collaboratrice de province exerçant à titre individuel et se consacrant à une activité judiciaire pour les plus démunis » —, qui a réalisé en 2017 un revenu net cumulé déclaré de 4,82 milliards d’euros avec un effectif de 62 289 selon la CNBF, traverse « une crise profonde », rappelait déjà, dans sa lettre de mission du 9 mars dernier, la ministre de la justice Nicole Belloubet à l’ancien ministre et avocat Dominique Perben, mais tous ne sont pas à « plaindre » ni logés à la même enseigne car les disparités de revenus au sein de cette profession hétérogène, « spécialiste » de surcroît en fiscalité pour la plupart d’entre eux, sont « colossales ».
La fourchette de revenus allant en effet d’un montant annuel dérisoire proche de zéro à un montant annuel bien plus que décent de 3 888 601 euros pour le plus vaillant d’entre eux en 2017 et 3,2 %, soit 1 970 avocats, se partageant ainsi 25 % des revenus nets cumulés déclarés.
Parmi les mesures préconisées pour améliorer les finances et le bien-être du quart des avocats se partageant 4,9 % du revenu net global, soit un revenu mensuel de 2 188 € pour le plus méritant de ces 15 572 avocats, il est notamment recommandé une revalorisation de l’UV de l’aide juridictionnelle pour la porter de 32 à 40 € financée par la réintroduction d’un timbre fiscal sur la plupart des contentieux, une généralisation de l’assurance perte de collaboration et, enfin, une plus grande égalité entre les hommes et les femmes, qui parviennent plus difficilement à devenir « associé » (36,9 %, selon une enquête du Défenseur des droits du mois de mai 2018 alors qu’elles représentent, au 1er janvier 2019, 56,4 % des avocats inscrits), sont cantonnées (66,6 %) dans des matières moins nobles (droit de la famille, droit du travail,…) et déclarent des revenus 20 à 30 % inférieurs à ceux de leurs confrères mâles. Deux autres recommandations « économiques » concernent la profession dans son ensemble (allocation de sommes au titre de l’article 700 plus en lien avec les frais engagés, ordonnances de taxe du bâtonnier assorties de l’exécution provisoire).
Faire évoluer l’offre des avocats passe, selon les auteurs du rapport, par une réforme de la formation initiale, l’attribution de la force exécutoire à l’acte d’avocat, l’ouverture de la consultation juridique à l’intelligence artificielle, l’intégration des règlements amiables (MARD) au barème de l’aide juridictionnelle, le développement de l’exercice commun par la modernisation des structures professionnelles et un accès « limité » aux capitaux extérieurs et pourquoi pas, pourrait-on ajouter, à terme, une cotation en bourse pour les plus dégourdis.
Quant aux relations avec les magistrats qui ne sont pas toujours au beau fixe, il s’agirait de les associer davantage à la vie des juridictions, de mieux garantir le secret professionnel dans tous les domaines et de donner aux avocats un accès plus facile à la magistrature pour ceux en quête de reconversion professionnelle.
Le conseil national des barreaux (CNB) est fort satisfait de ce rapport dont « les treize pistes énoncent […] renvoient, parfois mot pour mot, à des propositions votées par l’institution représentative des avocats et transmises en leur temps à la Chancellerie » et demande à présent de « passer des mots aux actes et des mots aux chiffres ».
Plus critique, le conseil supérieur du notariat (CSN) prend les habits du Conseil d’État et du juge constitutionnel pour dénoncer la mesure consistant à recommander qu’il soit attribué la force exécutoire à l’acte d’avocat qui, selon lui, ne serait pas compatible avec l’indépendance de l’avocat et ce dernier « n’est pas et ne saura jamais être dépositaire de l’autorité de l’État ».