Azerbaïdjan : Les droits de l’homme bafoués alors que le pays préside le Conseil de l’Europe

Elmar Mammadyarov, ministre azerbaïdjanais des affaires étrangères et président du Comité des ministres du Conseil de l'Europe.
Elmar Mammadyarov, ministre azerbaïdjanais des affaires étrangères et président du Comité des ministres du Conseil de l'Europe. Photo CoE.

L'Institut des droits de l'homme rattaché à l'Association internationale du barreau (IBAHRI, International bar association's human rights institute, en anglais) dénonce, dans un communiqué diffusé hier samedi, l'arrestation, au cours des deux dernières semaines, d'un avocat et de trois représentants de la société civile azerbaïdjanaise ainsi que l’assignation à résidence d’un journaliste.

L'organisation, basée à Londres, demande au Secrétaire général du Conseil de l'Europe, Thorbjørn Jagland, qu'il convoque rapidement une session du Comité des ministres pour discuter de la situation prévalant actuellement en Azerbaïdjan et de préparer une résolution condamnant ces arrestations. La situation est d'autant plus cocasse que le Comité des ministres du Conseil de l'Europe est actuellement présidé, depuis le 14 mai dernier et jusqu'au 13 novembre prochain, par... Elmar Mammadyarov, ministre azerbaïdjanais des affaires étrangères.

Parmi les arrestations politiques récentes dénoncées par l'IBA, une association qui regroupe environ 55 000 juristes et 206 barreaux à travers le monde, celle d'Intigam Aliyev, un avocat œuvrant pour la défense des droits de l'homme depuis de nombreuses années, interpellé le vendredi 8 août 2014 et placé en détention provisoire pour trois mois pour « fraude fiscale »« activités illicites »et « abus de pouvoir ». Rasul Jafarov, président de l’ONG azerbaïdjanaiseHuman Rights Club a été interpellé le même jour et placé en détention provisoire pour les mêmes motifs. Leyla Yunus, présidente-fondatrice de l’Institut pour la paix et la démocratie à Bakou et militante pour les droits de l’homme a été interpellée, elle, le 30 juillet 2014 et placée en détention provisoire pour « haute trahison »« fraude à grande échelle » et « activités illicites ». Son mari, Arif Yunus, a été interpellé le 5 août 2014 et placé en détention provisoire pour les mêmes motifs. Quant au directeur de l’Institut pour la liberté et la sécurité des journalistes, Emin Huseynov, il fait l’objet d’une assignation à résidence, depuis le 5 août 2014, l’empêchant de sortir de Bakou.

L’Azerbaïdjan est en train de saper les valeurs et libertés qu'elle est supposée représenter et garantir 
Helena Kennedy, Co-présidente de l'International bar association's Human rights institute, 15 août 2014.

À l’origine de ces interpellations, selon les explications de la section de défense des droits de l’homme de l’IBA, des amendements législatifs controversés promulgués le 3 février 2014 par le président Ilham Aliyev qui « ont introduit des contrôles et des exigences d’enregistrement accrus pour les organisations non-gouvernementales opérant en Azerbaïdjan et instaurant des sanctions lourdes et des amendes pour les ONG ne respectant pas la nouvelle législation ».

C’est assez « disturbingly ironic », se lamente la co-présidente de l’IBAHRI Helena Kennedy qui relève que c’est au moment même où l’Azerbaïdjan détient la présidence du Comité des ministres du Conseil de l’Europe que « la répression la plus dramatique de la société civile intervient dans ce pays »« Au lieu de représenter les valeurs démocratiques du Conseil de l’Europe et de garantir les libertés fondamentales de la Convention européenne des droits de l’homme, l’Azerbaïdjan est en train de les saper », ajoute-t-elle.

Une délégation de l’IBAHRI qui s’était rendue en Azerbaïdjan à la fin de l’année 2013 avait déjà constaté, selon un rapport Azerbaijan Freedom of Expression on Trial publié en mai dernier, que le droit pénal azerbaïdjanais est utilisé « pour réduire au silence les opposants au régime et pour limiter la liberté d’expression des journalistes et celle des défendeurs des droits de l’homme »

Même son de cloche du côté d'Amnesty international qui réclame la libération immédiate de ces interpellations politiques et fait état d'une sixième personne interpellée le 11 août 2014 et placée en détention prévention pour trois mois pour détention de stupéfiants sans qu'elle ait pu s'entretenir avec un avocat. Il s'agit de Murad Adilov, un militant du Parti du Front populaire.