Batignolles : Une pétition exige un moratoire sur la MOdA

Un candidat au bâtonnat de Paris, Carbon de Seze, réclame « un moratoire » sur le projet de la nouvelle maison de l’Ordre des avocats (MOdA) aux Batignolles et « un débat public et accessible à tous [les] confrères sur cet investissement qui va engager [les] finances [de l’Ordre et de la Carpa] pour plusieurs décennies ».
C’est lors de sa séance du 26 mai 2015 que le conseil de l’ordre de Paris a adopté une résolution, par 32 voix pour, 2 contre (Élizabeth Oster et Avi Bitton) et 4 abstentions (Élizabeth Cauly, Houria Si Ali, Émilie Vasseur et Pierre-Igor Legrand), donnant mandat au bâtonnier de mettre en œuvre « l’ensemble des procédures, notamment administratives, permettant la construction de la MOdA dans le schéma d’une vente en l’état futur d’achèvement (Vefa), de rechercher les postes d’économie toujours possibles et d’optimisation, et de procéder à l’acquisition des droits à construire en vue du dépôt du permis de construire ».
Avocat inscrit au barreau de Paris depuis 1998, ancien secrétaire de la conférence (2000) et ancien membre du conseil de l’ordre (2011-2013), le candidat au bâtonnat de Seze, 44 ans, qui se présente seul sans vice-bâtonnier qu’il juge inutile, dénonce l’absence totale de concertation pour ce projet pharaonique d’un coût hors taxes estimé entre 80 et 100 millions d’euros pour « 7 000 mètres carrés de surfaces de plancher de bureaux et 191 mètres carrés de surfaces de commerce » et appelle ses confrères à signer une pétition intitulée « Exigeons un moratoire sur la nouvelle Maison de l’Ordre des avocats (100 millions d’€) » qu’il a mise en ligne sur change.org et a déjà obtenu 283 signatures au moment où nous publions cet article.
Un « état d’avancement de la réalisation du projet » de cette MOdA a été présenté par Jérôme Martin, lors de la séance du conseil de l’ordre du 2 février dernier, faisant état d’une promesse synallagmatique de vente en l’état futur d’achèvement en date du 11 janvier 2016 autorisée par le « dernier vote du conseil de l’ordre en date du 15 décembre 2015 ».
On y apprend ainsi que la conception a été confiée à l’architecte Renzo Piano et la construction à une filiale de la société Sogelym Dixence, une société lyonnaise au capital de 10 000 euros dénommée PBA-N3 immatriculée le 9 juin 2015 ayant pour activité déclarée « supports juridiques de programmes » semble avoir été créée tout spécialement pour les besoins de la cause.
Quant au montage financier tel que dévoilé dans ce document, il consiste en la création d’un SCI dénommée MOdA détenue à hauteur de 51 % par l’Ordre des avocats de Paris et 49 % par la Carpa, qui sera financée sur fonds propres pour 5 millions, un prêt relais de 17,5 millions d’euros jusqu’au premier semestre 2020 dans l’attente de la cession de deux actifs immobiliers (9-11 place Dauphine et rue du Jour) et un emprunt d’environ 45 millions sur 13 ans, outre une ligne de trésorerie renouvelable de 5,2 millions d’euros pour le « financement relais de la TVA en attente de son remboursement ».
La construction de l’ensemble immobilier MOdA devrait être terminée début 2019 et sera alors loué, est-il précisé, « par la voie de baux (probablement à nature commercial) tant à l’Ordre des avocats qu’à la Carpa, en fonction de la répartition des surfaces entre eux et l’utilisation corrélative des locaux. Le loyer envisagé par mètre carré de bureaux loué serait de 3,5 % du coût final de construction par mètre carré. Le commerce en pied d’immeuble sera loué à un exploitant tiers […] ».
À la mi-janvier 2016, 3,6 millions d’euros ayant déjà été engloutis au titre « des études de conception architecturale et technique des ouvrages, des études du contrôleur technique, des frais et honoraires du géomètre, des études de sécurité et de sureté, des études environnementales et de certification, des études de l’économiste de la construction, et du dépôt de garantie versé au titre de la promesse de Vefa », il est sans doute à présent impossible de faire marche arrière et rendons à César ce qui appartient à César, la responsabilité principale n’incombe pas au bâtonnier en exercice Frédéric Sicard qui a pris ses fonctions depuis le 1er janvier 2016 et il est sans doute inutile de recueillir a posteriori l’avis sur le projet des quelque 28 000 avocats parisiens mais, en revanche, comme idée de campagne pour faire du buzz, c’est bien trouvé !
« Je signe parce que nous ne sommes pas à une époque où nous pouvons réellement nous permettre ce genre de fantaisie alors qu'il faudrait avoir le souci des confrères qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts malgré des journées de 12 heure de travail », écrit Véronique Rabiller, ou « une dépense commune de 100 millions d'euros sans avis préalable ou sans approbation du barreau semble impensable », selon Marc Sylberg qui rejoint Hugues Wedrychowski pour qui « une concertation globale et transparente s'impose ».