Bâtiment : Le taux de TVA réduit critiqué par la Cour des comptes

La Cour des comptes critique le taux réduit de TVA sur les travaux d'entretien et d'amélioration.
La Cour des comptes critique le taux réduit de TVA sur les travaux d'entretien et d'amélioration.

Le coût annuel du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable aux travaux d’entretien et d’amélioration des logements de plus de deux ans est « disproportionné par rapport à ses bénéfices estimés en termes d’activité et d’emploi du secteur » du bâtiment, selon une enquête de la Cour des comptes réalisée au cours du premier trimestre 2016.

Institué en 1999, le dispositif permet aux particuliers réalisant des travaux d’entretien ou d’amélioration dans leur logement achevé depuis plus de deux ans de bénéficier d’un taux réduit de TVA qui a, à l’origine, rappelle la Cour, été autorisé, à titre expérimental, par l’Union européenne, dans le but de « soutenir l’emploi dans les secteurs intensifs de main d’œuvre et de lutter contre l’économie souterraine », à un moment de « surplus conjoncturel de recettes fiscales ».

Bien que le surplus ait disparu et que la Commission européenne ait constaté, dès 2003, qu’il n’est pas « possible d’identifier de façon robuste un effet favorable en faveur de l’emploi, ni une réduction de l’économie souterraine », la mesure n’a pas été supprimée et elle a même été formellement autorisée par la directive n° 2009/47/CE du 5 mai 2009 codifiée à l’article 279-0 bis du code général des impôts selon lequel :

1. La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit sur les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des locaux à usage d'habitation, achevés depuis plus de deux ans, à l'exception de la part correspondant à la fourniture d'équipements ménagers ou mobiliers ou à l'acquisition de gros équipements fournis dans le cadre de travaux d'installation ou de remplacement du système de chauffage, des ascenseurs ou de l'installation sanitaire dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé du budget.
2. Cette disposition n'est pas applicable aux travaux, réalisés sur une période de deux ans au plus :
a) Qui concourent à la production d'un immeuble au sens des deuxième à sixième alinéas du c du 1 du 7° de l'article 257 ;
b) A l'issue desquels la surface de plancher hors œuvre nette des locaux existants, majorée, le cas échéant, des surfaces des bâtiments d'exploitations agricoles mentionnées au d de l'article R. 112-2 du code de l'urbanisme, est augmentée de plus de 10 %.
2 bis. La disposition mentionnée au 1 n'est pas applicable aux travaux de nettoyage ainsi qu'aux travaux d'aménagement et d'entretien des espaces verts.
3. Le taux réduit prévu au 1 est applicable aux travaux facturés au propriétaire ou, le cas échéant, au syndicat de copropriétaires, au locataire, à l'occupant des locaux ou à leur représentant à condition que le preneur atteste que ces travaux se rapportent à des locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans et ne répondent pas aux conditions mentionnées au 2. Le prestataire est tenu de conserver cette attestation à l'appui de sa comptabilité.
Le preneur doit conserver copie de cette attestation, ainsi que les factures ou notes émises par les entreprises ayant réalisé des travaux jusqu'au 31 décembre de la cinquième année suivant la réalisation de ces travaux.
Le preneur est solidairement tenu au paiement du complément de taxe si les mentions portées sur l'attestation s'avèrent inexactes de son fait.

Ce dispositif, qui n’est pas appliqué en Allemagne et seulement de manière très marginale au Royaume-Uni, représente un coût budgeté de 3,28 milliards d’euros pour l’année 2016 et constitue « la quatrième dépense fiscale la plus importante en volume parmi les 449 dénombrées » dans la dernière loi de finances.

Constant à 5,5 % pendant la période 1999-2012, ce taux réduit a fait l’objet de trois modifications au cours des cinq dernières années, il a été porté à 7 % à compter 1er janvier 2012 et à 10 % à compter du 1er janvier 2014 pour financer le CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi), sauf pour les travaux d’amélioration énergétique qui bénéficient d’un taux ramené à 5,5 % depuis cette dernière date. Ces trois modifications, souligne la Cour, ont été introduites sans faire l’objet « d’aucune étude préalable : aucun chiffrage du gain attendu en matière de recettes fiscales n’a été présenté et aucune estimation de leurs effets attendus sur l’économie et sur l’emploi n’a été produite ». Il n’y a même pas, se désole la Cour, de quantification a posteriori des effets de ces décisions sur le plan fiscal dans le cadre du projet de loi de règlement pour 2014 ou du projet de loi de finances pour 2016 et on ne peut donc « mesurer aujourd’hui si, et à quelle hauteur, ces relèvements de taux ont procuré un surcroît de recettes fiscales ».

Sur la période 1999-2015, le coût total cumulé de la dépense est 70 milliards d’euros pour les finances publiques, soit une moyenne « un abandon de recettes de près de 4,4 Md€ par an », constate la Cour, sans que des éléments techniques suffisants permettent d’affirmer que cette mesure aurait eu « un effet positif sur l’activité et l’emploi du secteur » et son coût annuel apparaît dès lors « disproportionné par rapport à ses bénéfices estimés ».

La Cour recommande donc de présenter un chiffrage rigoureux des effets budgétaires et économiques des trois ajustements intervenus depuis 2012 et de procéder à une évaluation précise des bénéfices économiques du taux réduit de la TAV sur les travaux d’entretien et d’amélioration des logement de plus de deux ans, en chiffrant explicitement le coût pour les finances publiques des créations d’emplois qui lui sont imputables et en examinant les scenarii d’évolution susceptibles d’en améliorer l’efficience.

Dans sa réponse, la ministre du logement Emmanuelle Cosse reconnaît que ses services ne disposent d’aucune information si ce n’est l’enquête logement réalisée par l’Insee avec « une fréquence qui varie entre 4 et 7 ans », ce qui rend difficile voire impossible « l’étude d’impact des changements de taux récents intervenus entre 2012 et 2014 ». Selon des simulations « à l’aide d’outils économétriques » effectuées sur un échantillon représentatif de 15 000 ménages, une hausse de la TVA de 10 à 20 % pour les travaux d’entretien-amélioration provoquerait, à en croire le doigt mouillé de la ministre, la destruction de près de 27 000 emplois.