Bâtonnat Paris 2016 : La candidature du vice-bâtonnier au dauphinat critiquée

Rien ne va plus au barreau de Paris et certains crient, de plus en plus fort, « à la triche, à la fraude et à la manipulation » à l’occasion des élections au bâtonnat qui doivent avoir lieu les 23 et 25 juin prochains et pourraient porter l’actuel vice-bâtonnier au dauphinat.

Laurent Martinet, actuel vice-bâtonnier du barreau de Paris, a en effet annoncé lors de la dernière séance du conseil de l’ordre qu’il se présentera à la prochaine élection au bâtonnat et « au regard des textes en vigueur, cette candidature est recevable », estime son compère et bâtonnier Pierre-Olivier Sur dans un éditorialPierre-Olivier Sur : « Élections au bâtonnat », le Bulletin, n° 5, 18 mars 2015. qu’il lui consacre et demande « de lui réserver un sort égal aux autres ».

L’actuel vice et peut-être futur bâtonnier justifie sa décision par le souhait de« voir aboutir les chantiers initiés depuis le mois de janvier 2014 […] assurer une continuité des projets en cours et l’efficacité des actions entreprises à un moment clé de l’évolution de [la] profession » et promet de veiller « à dissocier rigoureusement [ses] fonctions de vice-bâtonnier et la candidature [qu’il soumet aux] suffrages » de ses pairs, assurant que « le strict maintien de cette frontière est la garantie d’un débat loyal entre les candidats ».

En fait de sort égalitaire dont personne n’est dupe, c’est une mise au pilori qui lui est réservée par les autres candidats au bâtonnat et certains membres du conseil de l’ordre qui n’ont pas de mots assez con-fraternels pour dénoncer « le vice persistant » et « la vie éternelle d’un vice-bâtonnier » mais également la« complaisance » du bâtonnier.

« Cet éditorial a […], aux frais de tous, rompu l’égalité avec les candidats qui avaient eu, eux, le scrupule de se déclarer sans avoir eu le culot de demander qu’il en soit fait mention en première page du bulletin », écrivent Frédéric Sicard et Dominique Attias, candidats déclarés au bâtonnat 2016 depuis plusieurs mois déjà et qui dénoncent une candidature lancée avec « le soutien de prestataires habituels de l’Ordre » et en appellent à la Commission ad hoc chargée des élections pour faire cesser conflits d’intérêts et utilisation des moyens de l’Ordre à des fins personnelles.

Nicolas Lerègle et Nathalie Attias, qui se sont promis d’être bâtonnier et vice-bâtonnier et vice-versa, dénoncent, quant à eux, une modification des règles du jeu (suppression du dauphinat ou tentative et dates d’élection décalées) dans le seul but de permettre au vice-bâtonnier de se poser « en dauphin putatif et de se présenter » et jugent admissible que l’Ordre devienne une « camarilla ». C’est le fonctionnement même de l’institution qui est, selon eux, « gravement malmenée avec la candidature du vice-bâtonnier ».

Mais c’est de Xavier Chiloux, ancien membre du conseil de l’ordre, que vient sans doute la saillie la plus féroce pour celui qui réclame le privilège d’être, de juillet à fin décembre 2015, vice-bâtonnier en exercice et dauphin puisque le Conseil national des barreaux (CNB) a rappelé le 4 juin dernier que « le vote de suppression de l'élection de confirmation du dauphin par l'assemblée générale du 16 mai 2014 n'a ni pour objet ni pour effet de supprimer le dauphinat et qu'il doit être maintenu pour une durée minimale de six mois ».

Il s’agit d’un manque évident de loyauté, explique-t-il, comment va se comporter, durant ces trois mois de campagne, le vice-bâtonnier rémunéré par l’Ordre et dont la devise serait « Moi, avocat tout seul, diviser l’ordre et augmenter les dépenses ». Pour Xavier Chiloux, la candidature du vice-bâtonnier nécessitait qu’il démissionne de son mandat, qu’il arrête de percevoir des honoraires pour une fonction qu’il ne peut cumuler avec son ambition de devenir bâtonnier après avoir été vice-bâtonnier mais, encore et surtout, qu’il s’abstienne d’utiliser les services, les moyens et les prestataires de l’ordre pour sa propagande électorale.

Ce n’est pas tant la possibilité pour le vice-bâtonnier de se présenter à cette élection qui est donc critiquée mais qu’elle ait été préparée de longue date à l’abri de tous et imposée sans discussion et sans être encadrée par les principes de délicatesse, de courtoisie, d’indépendance, de loyauté et de probité qui gouvernent la profession. « C’est pas du juste, y a triche… », conclut Xavier Chiloux qui entend dénoncer ce qui « déontologiquement, éthiquement et moralement » n’est pas acceptable.