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Bénéfices distribués : Les victimes financeront le remboursement de la taxe censurée

Par Alfredo Allegra | LEXTIMES.FR |
Sociétés composant le CAC40 en 2015. Sociétés composant le CAC40 en 2015.

La commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté vendredi le projet de surtaxe de l'impôt sur les sociétés (IS) qui doit servir à financer environ la moitié du coût de remboursement et des frais des procédures en cours — estimés à environ dix milliards d'euros — liés à la censure par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et le Conseil constitutionnel de la taxe sur les bénéfices redistribués par les sociétés mères mise en place en août 2012 par le gouvernement Ayrault.

D'un rendement espéré de 5,4 milliards d'euros, il est prévu que cette « contribution exceptionnelle » soit acquittée sous forme d'acompte d'IS par les grandes entreprises avant la fin de cette année pour permettre au gouvernement de respecter son engagement d'un déficit public sous la barre des 3 % du produit intérieur brut (PIB) au 31 décembre 2017. Pour tenir ces délais, l'exécutif a décidé de ponctionner les victimes qu’il doit rembourser via un projet de loi de finances rectificative (PLFR) limité à cette seule mesure — examiné en séance ce lundi à l'Assemblée nationale — et indépendant du traditionnel collectif budgétaire de fin d'année qui, lui, sera soumis aux parlementaires à la mi-novembre.

Une contribution exceptionnelle de 5 à 10 % pour rembourser la contribution complémentaire de 3 % censurée par la Cour de justice de l'Union européenne et le Conseil constitutionnel

Bercy a prévu que le taux d'imposition sur les bénéfices passerait, à titre exceptionnel, cette année de 33,3 % à 38,3 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse un milliard d'euros, et à 43,3% pour celles dont la facturation dépasse trois milliards d’euros. 318 entreprises pourraient être concernées par cette ponction, dont 110 au taux de 43,3%. Devant la commission des finances de l'Assemblée, le ministre de l'économie et des finances Bruno Le Maire a reconnu jeudi que 95 entreprises seraient « gagnantes » et que 223 seraient « perdantes » par ce dispositif au fondement juridique incertain et très critiqué par le patronat dans la mesure où le gouvernement entend se servir dans les poches des victimes pour leur rembourser ce qui leur est dû et, de surcroît, la majorité d’entre elles devraient mettre au pot plus qu’elles ne vont recevoir.

La contribution complémentaire de 3 % censurée par la justice européenne1 et le juge constitutionnel2 , instituée par l’article 6 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 et codifiée à l’article 235 ter ZCA du code général des impôts, était perçue à l’occasion de « la distribution de dividendes par la société mère et dont l’assiette était constituée par les montants des dividendes distribués [à la société mère par la ou les filiales, ndlr], y compris ceux provenant des filiales non-résidentes ».

Imaginez un peu que vous obteniez gain de cause après plusieurs années de procédure et qu’au moment de passer, enfin, à la caisse, l’adversaire vous fait les poches pour vous régler ce que la plus haute juridiction à mis à sa charge… c’est exactement ce qui arrive mais le gouvernement joue contre la montre. Cette taxe exceptionnelle de 2017 pour rembourser la taxe complémentaire de 2012 devrait, selon toute vraisemblance, être également censurée par le Conseil constitutionnel et/ou la Cour de justice de l’Union européenne mais entre-temps, il aura pu présenter un déficit public 2017 sous 3 % ! On croyait en avoir fini avec l’ancienne politique… pas tout-à-fait !

 

  • 1CJUE, 1e ch., 17 mai 2017, n° C-365/16, Association française des entreprises privées (AFEP), Axa, Cie générale des établissements Michelin, Danone, Engie, Eutelsat Communications, LVMH, Orange, Sanofi, Suez, Technip, Total, Vivendi, Eurazeo, Safran, Scor, Unibail-Rodamco, Zodiac Aerospace c/ ministre des finances et des comptes publics.
  • 2Cons. constit., 6 oct. 2017, n° 2017-660 QPC, Société de participations financières.

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