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Bien parler : L’Académie française planche sur une féminisation respectueuse de la langue

Par Alfredo Allegra | LEXTIMES.FR |
Hélène Carrère d'Encausse, Secrétaire perpétuel de l'Académie, sept. 2013. Photo Claude Truong-Ngoc. Hélène Carrère d'Encausse, Secrétaire perpétuel de l'Académie, sept. 2013. Photo Claude Truong-Ngoc.

Le premier président de la Cour de cassation Bertrand Louvel a interrogé l’Académie française quant à la féminisation des fonctions du corps judiciaire par le ministère de la justice qui fait « désormais systématiquement » usage « dans ses actes comme dans ses correspondances » des expressions « la juge, la procureure, la présidente, la conseillère, la substitute,… », ce qui fait apparaître l’usage du masculin suivi par la haute juridiction judiciaire comme « un particularisme source d’interrogations ».

L’usage a-t-il suffisamment évolué, se demande Bertrand Louvel dans une missive en date du 20 avril dernier, depuis la déclaration du 10 octobre 2014 de l’Académie rappelant que les termes désignant les fonctions publiques ont un « caractère abstrait » et que le genre de la personne qui occupe une telle fonction à un moment donné « doit s’effacer derrière ce caractère ».

Dans la réponse de son Secrétaire perpétuel Hélène Carrère d’Encausse en date du 6 novembre et rendue publique ce matin, l’Académie annonce qu’elle se propose de mettre « en lumière les enjeux et les modalités d’une féminisation respectueuse de notre langue et qui s’inscrive dans la continuité de son histoire » et émettra « un certain nombre de propositions propres à assurer la rectitude et la cohérence de ces nécessaires évolutions ».

Un abus de pouvoir et une violence faite à la langue par certains services de l’État
Hélène Carrère d’Encausse, Secrétaire perpétuel de l’Académie française, 6 nov. 2017.

L’Académie se dit « particulièrement reconnaissante » du souci de la haute juridiction de se « conformer au principe [qu’elle n’a] cessé de faire valoir depuis vingt ans dans diverses déclarations publiques et qui [la] guide dans [son] action depuis près de quatre siècles : la liberté de l’usage » mais déplore liminairement « un manquement grave à ce principe » de la part de certains services de l’État et qu’elle a cru devoir s’élever contre ce qui apparaît comme « un abus de pouvoir et une violence faite à la langue ».

Mme d’Encausse rappelle d’abord que c’est sur la base d’un guide d’aide à la féminisation des noms de métiers, titres, grades et fonctions, intitulé Femme, j’écris ton nom…, élaboré en 1999 par un laboratoire du CNRS à la demande du premier ministre de l’époque, Lionel Jospin, recensant diverses évolutions possibles sans en recommander aucune que certains services de l’État ont cru pouvoir « s’autoriser à opérer un choix entre ces formes, sans tenir compte de l’état réel de l’usage [… et] dont plusieurs, manifestement retenues sans discernement, sont de formation très discutable » avec, par exemple, « rectrice » qui s’oppose à la forme fautive « recteure ».

L’usage ne se modifie pas par décret, plaide l’Académie, qui entend rappeler avoir été instituée « gardienne de l’usage » et chargée de « donner des règles certaines à notre langue », elle dit orienter l’usage quand il est flottant, le fixer quand il est hésitant et le redresser quand il est fautif, ce qui explique qu’elle n’a pas gardé le silence face « aux empiètements de l’autorité administrative dans un domaine qui n’est pas le sien et qui ne relève à aucun titre du pouvoir règlementaire ».

Une féminisation respectueuse de notre langue est à l’étude par l’Académie française

Pour la gardienne de la langue française, certaines associations qui prétendent éliminer le sexisme dans la langue et assurer la promotion d’un langage reflétant le principe d’égalité entre les femmes et les hommes remettent en fait en cause les règles d’accord (le masculin considéré comme neutre ou non marqué l’emporte sur le féminin) admises depuis plusieurs siècles et l’écriture « inclusive », si elle devait se répandre, entraînera « un changement structurel profond, touchant aussi bien la langue écrite que la langue parlée ».

Mais la porte n’est pas fermée, une réflexion d’ensemble va être entreprise d’ici la fin de l’année par les académiciens qui devrait aboutir à un certain nombre de propositions « propres à assurer la rectitude et la cohérence [des] nécessaires évolutions que [leur] magistère [leur] fait obligation d’accompagner et d’orienter ». Une féminisation respectueuse de notre langue et dans la continuité de notre histoire, est-il précisé.

 

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