Burkini : @manuelvalls demande d'assumer un débat dont il veut imposer l'issue

Signe des temps : c’est sur Twitter que le premier ministre Manuel Valls a annoncé avoir publié sur sa page Facebook, si tôt connue la décision du Conseil d’État, un texte demandant que les Français « assum[ent] le débat sur le burkini » alors que, quelques heures plutôt encore, « c’était comme ça et pas autrement » et que deux de ses collègues, Najat Vallaud-Belkacem et Marisol Touraine, en avaient même pris pour leur grade pour avoir osé exprimer une opinion divergente.
Assumons le débat sur le burkini - retrouvez mon texte sur ma page Facebook : https://t.co/C5z8mshyf2
— Manuel Valls (@manuelvalls) 26 août 2016
On se félicite du modernisme du premier ministre qui, malgré tout, peut-être pas si mauvais perdant que ça mais quand même un peu beaucoup, s'empare des réseaux sociaux pour que les quelque 67 000 000 de Français puissent participer à cet « important débat » et le trancher habilement, le cas échéant, si nécessaire, par l’opportune constitutionnalité de la bienveillante force du 49.3, quant à ce que doivent porter ou non les femmes en général, et les femmes musulmanes en particulier, à la plage, lors d’une baignade et, accessoirement, dans la rue ou ailleurs.
Manuel Valls nous dit dans ce texte « Assumons le débat sur le burkini », qui fera sans nul doute date dans l’Histoire ou, à tout le moins, dans sa propre petite histoire, que le Conseil d’État a jugé que « [le maire de Villeneuve-Loubet] n’avait pas établi le risque de trouble à l’ordre public et qu’[il] avait par conséquent excédé ses pouvoirs » et comme « [il a] déjà eu, lui-même, l’occasion de le dire à plusieurs reprises » (sic !), explique-t-il en guise d’introduction du débat, « toute décision d’interdiction doit effectivement établir le risque d’atteinte à l’ordre public et être appliquée avec discernement ».
Il s’agirait donc d’une simple question de méthode, de maladresse ou de précipitation qui n’a pas permis au maire de Villeneuve-Loubet d’interdire ce qu’il appartient, à tout le monde, de comprendre aisément que le burkini est inacceptable et qu’il doit être interdit par tous les maires balnéaires de France et il en veut pour preuve son collègue de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, selon lequel le Conseil d’État « ne prive pas les maires de ce pouvoir, il [le Conseil d’État] en rappelle à nouveau les conditions de son exercice, dans un ordre juridique conforme aux principes constitutionnels ». Il suffit, en effet, de démontrer le risque d'atteinte à l'ordre public que représente le burkini sur les plages ou lors de la baignade pour que la légalité des arrêtés litigieux ne puisisent pas être contestée.
Le cadre juridique ainsi posé, l’ancien ministre de l’intérieur devenu primus inter pares considère que l’ordonnance du Conseil d’État n’épuise pas le débat qui s’est ouvert dans notre société sur la question du burkini, il n’est pas anodin et c’est un débat de fond, insiste-t-il, et il vient, rappelle-t-il, après la question du foulard dans les écoles, celle du port de signes religieux et celle du voile intégral dans l’espace public, il ne resterait donc plus qu’à déterminer, à présent, la longueur laïque appropriée de la tenue de bain.
Mais sans démontrer le début d'un iota de l'atteinte à l'ordre public et au risque d'obliger l'ancien ministre de l'intérieur et membre honoraire du Conseil constitutionnel, Pierre Joxe, d'aller se baigner « avec un costume couvrant entièrement [son] corps depuis les chevilles jusqu’aux poignets et ne laissant apparaître que [sa] tête », M. Valls réduit la démonstration et le débat à « la question fondamentale » de savoir — quasi identique à celle de la couleur du cheval blanc de Henri IV — si en interdisant le burkini, « on stigmatise les musulmans ou si, au contraire, c’est le port de signes prosélytes de cette nature qui est un risque pour tous les musulmans de France qui sont alors assimilés à l’islamisme politique militant ».
La réponse, claire, limpide, se trouve dans la question et le débat aura donc du mal à passer par le trou de la serrure que le premier ministre ferme à double tour. Ce n’est, en effet, pas une quelconque liberté individuelle qui est en cause, nous dit-il, le burkini représente « un islamisme mortifère, rétrograde » qu’il n’accepte pas « au nom de la place que l’Islam doit trouver dans notre société ». Le burkini n'est ni une tenue de bain ni un signe religieux mais l'affirmation d'un islamisme politique. Point barre. Fin du débat ouvert et fermé par Manuel Valls qui assimile, sans autre forme de procès et à mille lieues de la décision du Conseil d'État, femme en burkini à salafiste politique militante.
Le débat tourne donc fort court et M. Valls s’assoit royalement sur l’argumentation juridique fort intelligemment développée par le Conseil d’État pour suspendre l’arrêté de M. Lionnel Luca, député LR de la 6e circonscription des Alpes-Maritimes et maire de Villeneuve-Loubet.
M. Valls ne veut pas débattre. M. Valls veut imposer sa vision d'une femme musulmane moderne qui doit s'occidentaliser pour et contre elle-même, quoi qu'il lui en coûte, et renoncer à des droits et libertés qu’elle n’a pas à revendiquer tant qu'elle n'a pas compris ce qui est bon pour elle. M. Valls veut, à l’inverse du maire de Londres ou du premier ministre canadien, imposer, en ces temps difficiles d'état d'urgence, aux femmes — musulmanes — ce qu’elles doivent ou non porter.
Inadmissible. Le problème est pris par le mauvais angle, il faut laisser les femmes libres de porter ce qu’elles veulent mais, en revanche, punir lourdement ceux qui voudraient leur imposer le port de tel ou tel vêtement. Encore un effort, M. Valls, un débat consiste à recueillir des idées et en faire ensuite une synthèse avant de prendre une décision, une méthode de travail qui semble vous être totalement étrangère à l’instar de certains que vous combattez ici et ailleurs mais dont vous êtes si proche par certains côtés.