Cinéma : À quatre mains

Film documentaire de Sarah Carpentier (2019), produit par Alexandre Amiel. 70’. Sur France 5, le 15 octobre 2019 à 20h50, dans l’émission le Monde en face, suivi d’un débat.
Au cours de la période 1967-2018, si l’on excepte 1968 qui, compte tenu de circonstances particulières, fait figure d’exception avec 81,3 %, le taux de réussite au baccalauréat est progressivement passé de 61,7 % à 88,3 %, soit une hausse de 26,6 points en 51 ans. Cette course effrénée depuis trois générations pour un bac coute que coute pour tout le monde ou presque, avec l’introduction du bac technologique en 1968 et le bac professionnel en 1988, a fait que la filière professionnelle stricto sensu en général et l’apprentissage lato sensu en particulier sont considérés en France comme moins que rien et destinés aux seuls laissés-pour-compte.
C’est avec un plaisir non dissimulé que LexTimes a donc découvert hier, en avant-première, ce documentaire de Sarah Carpentier qui est une bouffée d’air frais à mi-chemin entre rêve et réalité qui vous arrache, à plusieurs reprises, des larmes et vous donne l’envie impérieuse de sauter le pas et de devenir apprenti et, de surcroît, comme le dit le maître de cérémonie dans Cabaret, « Everything is beautiful », les petits fours salés et sucrés préparés par des apprentis étaient excellents, les sièges du cinéma les 7 Batignolles extrêmement confortables pour le dos et les pieds et, au risque de nous répéter, le documentaire est un vrai petit bijou.
Dans cet « À quatre mains », Sarah Carpentier suit le parcours, pendant un an, de quatre apprentis. Inthyla, 18 ans, veut devenir esthéticienne et évolue depuis près de quatre ans, deux semaines en apprentissage et deux semaines à l’école, auprès de Mme Abraham qui va la conduire vers l’excellence. Romain, 23 ans, après des périodes de chômage et plusieurs échecs en pâtisserie, cuisine,… a rencontré Philippe il y a trois semaines et va se découvrir une vocation pour un métier extrêmement difficile et pénible : conducteur de machines de verrerie. Amandine, 19 ans, après avoir obtenu un bac S, rétropédale et s’engage, aux côtés de Didier, dans une filière, la tonnellerie, où elle sera première jeune femme à y accéder. Uriel, enfin, 16 ans, a décroché une formation d’ébéniste auprès de François qui, lui-même, bac +5 en banque et finance, est arrivé dans le métier sur le tard et possède de réelles capacités de transmission de savoir.
Quatre apprentis, quatre maîtres, tous différents, qui ont, tous, soif d’apprendre et de transmettre la beauté et la précision du geste, à l’ancienne, pour qu’il se perpétue encore et encore, à l’infini. Un vrai régal pour les yeux et l’esprit qui, tant c'est beau et quasi inimaginable, pourrait laisser penser qu’il s’agit d’un film publicitaire pour telle ou telle filière en manque d’apprentis. Non, nous, on veut y croire et Inthyla, Romain, Amandine et Uriel seraient bien inspirés de prendre quelques heures sur leur temps libre pour aller faire, le film sous le bras, le tour des collèges et lycées pour montrer et montrer encore ce magnifique plaidoyer pour l'apprentissage.