CNB : Vers un état d'urgence permanent ?

Le Conseil national des barreaux (CNB) a adopté hier lors de l'assemblée générale une résolution refusant la prolongation de l’état d’urgence et dénonçant ses conséquences pour les libertés et les droits de la défense.

S'il partage l’inquiétude générale à la suite des attentats meurtriers des 7 janvier et 13 novembre 2015 et reconnaît « la nécessité de mettre en place des mécanismes pour protéger la sécurité collective face à une menace élevée et durable d’attentats », l'institution représentative des quelque 66 000 avocats de France dit constater que :

la combinaison de la loi du 24 juillet 2015 sur le renseignement, de la loi du 20 novembre 2015 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et renforçant l'efficacité de ses dispositions, du projet de constitutionnalisation de l’état d’urgence et du projet de loi renforçant la lutte contre la criminalité organisée et son financement, l'efficacité et les garanties de la procédure pénale

dessine un modèle juridique et social qui « rompt durablement avec les principes républicains ».

Le CNB demande donc aux pouvoirs publics de renoncer à prolonger l’état d’urgence et, surtout, à le constitutionnaliser dans la mesure où le texte vise « à éluder le contrôle de constitutionnalité » des mesures envisagées. Le projet de loi octroie en effet à l’autorité administrative des prérogatives en matière de perquisitions de véhicule et de rétention administrative hors la présence d’un avocat et crée un véritable contrôle judiciaire « déjudiciarisé » à la seule discrétion du ministre de l’intérieur et sans contrôle de l’autorité judiciaire.

Il y a un glissement de la procédure et un basculement des pouvoirs du juge du siège vers le parquet dont les prérogatives élargies, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention dans le cadre de l’enquête préliminaire, ne garantissent ni le plein exercice des droits de la défense ni le contrôle effectif du juge du siège et il convient donc qu'elles soient subordonnées, estime le CNB, à la création d’un véritable statut du juge des libertés et de la détention disposant« des garanties de son indépendance et des moyens d’un contrôle effectif des procédures qu’il autorise ».

Pour la rue de Londres, il convient que l’exercice des droits de la défense soit ouvert, dans le cadre de l’enquête préliminaire, dès la mise en œuvre d’une mesure d’audition, de perquisition ou de saisie à l’encontre de la personne soupçonnée et plaide pour l’introduction de dispositions garantissant de manière effective le secret professionnel de l’avocat qui couvre notamment ses communications électroniques, ses données informatiques, son véhicule et ses bagages ainsi que l’ouverture de recours effectifs à l’initiative du bâtonnier informé de la mise en place d’écoutes téléphoniques, outre l’exclusion du recours au dispositif des IMSI-CatcherUn IMSI-Catcher (International Mobile Subscriber Identity) est un matériel d’espionnage téléphonique utilisé pour l'interception du trafic de téléphonie mobile et pour pister les mouvements des terminaux et de leurs porteurs, il s'agit d'une fausse antenne-relais agissant entre le téléphone mobile espionné et les antennes-relais de l'opérateur téléphonique. en ce qui concerne les communications des avocats et du délit de révélation d’identité ou d’éléments permettant l’identification de témoins pour les avocats agissant dans l’exercice des droits de la défense.

Le barreau de Paris, en revanche, loin de s'opposer à cette constitutionnalisation de l'état d'urgence entend en profiter pour y faire inclure « le droit à un avocat » et espérait le soutien du CNB qui manifestement va lui faire défaut.