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CNBF : Une cotisation forfaitaire pour le président non rémunéré d’une SELAS ?

Par Jon Helland | LEXTIMES.FR |
La CNBF s'affranchit de la loi et de la jurisprudence La CNBF s'affranchit de la loi et de la jurisprudence

Aberration suprême, la caisse nationale des barreaux français (Cnbf) réclame à une société d’exercice libéral par actions simplifiées (Selas), au mois de février dernier, après moult échanges, une cotisation forfaitaire de 1 190 euros au titre de l’exercice 2020 au cours duquel le président de la Selas n’a perçu aucune rémunération.

« En sa qualité de président d’une société par actions simplifiées, écrit mercredi dernier le responsable du service affiliation, immatriculation et relations barreaux Clément Fournials, l’avocat relève […] de la Cnbf obligeant notre Caisse à recouvrer ses cotisations et contributions sociales auprès de la structure d’exercice, et notamment les cotisations forfaitaires pour les périodes au cours desquelles il ne percevrait pas de rémunération ».

S’il ne peut être contesté que salarié ou non ou assimilé-salarié, l’avocat relève de la Cnbf, ce qui est en jeu au cas particulier, c’est la mise en recouvrement, sans fondement légal, d’une cotisation forfaitaire sur la structure d’exercice pour le président ne percevant aucune rémunération au titre de son mandat social ni de son éventuelle activité au sein de ladite structure car si le statut d’assimilé-salarié lui est effectivement applicable sur la base du 23° de l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale, cet article renvoie toutefois à l’article L. 311-2.

Et ce dernier dispose que :

« Sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l'un ou de l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat. »

« "Quels que soient le montant et la nature de leur rémunération" implique nécessairement, répond vendredi dernier le président de la Selas au responsable de la Caisse, qu’il y ait une rémunération » et c’est d’ailleurs ce que dit la jurisprudence en la matière selon laquelle l’obligation d’affiliation aux assurances sociales est subordonnée à l’existence d’une activité rémunérée1 et il a même été jugé que le versement d’un salaire dérisoire fait obstacle à l’existence d’un contrat de travail2 et donc à l’obligation d’affiliation. A fortiori, en l’absence de toute rémunération, il ne peut être réclamé de cotisations à une Selas pour un assimilé-salarié qui ne perçoit aucune rémunération et c’est d’ailleurs ce qu’a eu l’occasion de développer la Cnbf elle-même dans un mémoire à l’appui d’un pourvoi3 par elle formé il y a quelques années et dans lequel elle indique, à juste titre, qu’une Selas n’est « redevable de cotisations envers la CNBF que si elle verse [au mandataire social] une rémunération ». Il est vrai que dans cette hypothèse, différente de celle évoquée, la Cnbf réclamait le paiement des cotisations directement au mandataire social faute d’avoir pu les mettre à la charge de la Selas qui ne lui avait versé aucune rémunération au cours d'un trimestre. Il ne fait donc aucun doute qu’en l’absence de rémunération d’un dirigeant de Selas, la Cnbf ne peut mettre de cotisations forfaitaires à la charge ni de l’avocat ni de la structure à laquelle il est rattaché.

« Nous avons pris connaissance de votre [contestation], peut-on lire dans un courriel adressé ce matin au président de la Selas sous la signature d’Élisabeth Dama du service immatriculation, affiliation et relation barreaux dont LexTimes a pu prendre connaissance, celle-ci a été transférée [au] service juridique qui se chargera de répondre dans les meilleurs délais ». Sans aucune validation de son service juridique depuis les plus de deux ans que dure cette contestation, on comprend donc que le service affiliation-immatriculation de la Cnbf n’en fait qu’à sa tête en essayant de recouvrer des cotisations forfaitaires qui ne reposent sur aucune base légale ou jurisprudentielle. On ne sait s’il faut blâmer l’un ou l’autre service ou les deux voire Dieu le Père mais en tout cas, il faudrait mettre un peu d’ordre dans tout cela.

 

  • 1Soc. 20 mars 1980, n° 78-16-251.
  • 2Soc. 8 févr. 1972, n° 71-40.012 ; 11 févr. 1981, n° 79-15.446.
  • 3Civ. 2e, 24 mai 2017, n° 16-18.834.