Commissaire de justice : La laborieuse naissance d’une nouvelle profession

Ghislaine Kapandji, présidente de la Compagnie des commissaires-priseurs de Paris, et  Nicolas Moretton, président de la Chambre nationale, 21 mars 2018. Photo LexTimes.
Ghislaine Kapandji, présidente de la Compagnie des commissaires-priseurs de Paris, et Nicolas Moretton, président de la Chambre nationale, 21 mars 2018. Photo LexTimes.

Les quelque 3 250 huissiers de justice et 418 commissaires-priseurs judiciaires vont progressivement se fondre pour devenir « commissaires de justice » et à la veille de la première étape décisive fixée au 1er janvier 2019, la chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires (CNCPJ) a fait le point, il y a quelques semaines, seule, sans son dominant futur conjoint, en conviant la presse spécialisée à déjeuner à la Fontaine Gaillon.

Oubliés les excès de sa prédécesseur Agnès Carlier qui ne voulait pas entendre parler d’un mariage avec les huissiers, la création de la nouvelle profession de commissaire de justice par la fusion des deux professions existantes d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire est à présent actéeOrdonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice, J.O., n° 128, 3 juin 2016, n° 24. et à ce stade, l’actuel président de la CNCPJ Nicolas Moretton s’attache donc à faire bonne figure et mettre en avant les « atouts » d’un tel rapprochement qui ne concerne toutefois que les seuls commissaires-priseurs judiciaires, les commissaires-priseurs volontaires en étant exclus même si, précise-t-il, tous les commissaires-priseurs judiciaires sont des commissaires-priseurs volontaires.

« L’enjeu de cette réforme est de créer une profession attractive pour le justiciable, leur garantissant une expertise pointue et une impartialité dans l’exécution des mesures de justice », plaide le président Moretton pour qui « nous sommes à l’aube d’une grande profession du droit comme cela avait été évoqué il y a de nombreuses années dans le rapport Darrois ».

Le calendrier prévoit que dès le 1er janvier 2019 sera créée la Chambre nationale des commissaires de justice qui se substituera aux deux Chambres nationales existantes mais les chambres régionales seront maintenues. Ce n’est que 42 mois plus tard, au mois de juillet 2022, que le rapprochement deviendra effectif avec la « naissance » des premiers commissaires de justice et il est prévu que, quatre ans plus tard, en juillet 2026, les anciens huissiers de justice ou commissaires-priseurs judiciaires qui n’auront pas suivi la formation spécifique de commissaire de justice ne pourront plus exercer.

Entre juillet 2022 et juillet 2026, les uns et les autres auront en effet l’obligation de suivre une formation adaptée aux nouvelles compétences de la profession issue de la fusion. Concrètement, les huissiers de justice devront suivre une formation de 60 heures portant sur « le droit et la pratique de la vente de meubles aux enchères publiques prescrite par la loi ou par décision de justice et des inventaires et prisées correspondants, sur les arts et techniques et sur les matériels et stocks ». Les commissaires-priseurs judiciaires devront, quant à eux, suivre une formation de 80 heures portant sur « la signification des actes, les procédures civiles d’exécution, la pratique des constats, le recouvrement amiable des créances, ainsi que sur les activités accessoires des huissiers de justice » telles qu’administrateur d’immeubles, agent d’assurances, médiation.

À huit mois de la mise à feu de la première étape, la composition de la future chambre nationale reste inconnue pour laquelle Me Moretton réclame « le respect des principes voulus par le législateur : distinctivité, progressivité et surtout parité pour le bureau et la présidence » mais ce n’est pas gagné d’avance à 418 contre 3 250. De même, la formation initiale de la future profession, l’une davantage axée sur l’art et l’autre sur le droit, reste inconnue.

Il convient par ailleurs de relever que l’ordonnance du 2 juin 2016 instituant cette profession n’a pas encore été ratifiée alors que l’article 299 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 sur le fondement de laquelle elle a été prise prévoit que « pour chaque ordonnance […], un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de cinq mois à compter de la publication de l'ordonnance ». Un projet de loi ratifiant cette ordonnance a certes été déposé à l’Assemblée nationale le 26 octobre 2016 mais il a été retiré le 27 avril 2017 et celui déposé le même jour sur le bureau du Sénat sommeille depuis lors.