Comparutions immédiates : Le traitement en temps réel par Naïma Rudloff

Naïma Rudloff. Photo Emilie Gougache pour LexTimes.fr.
Naïma Rudloff. Photo Emilie Gougache pour LexTimes.fr.

Magistrat du parquet depuis 23 ans, cela fait 5 ans que Naïma Rudloff est chef de la section "traitement en temps réel" au Palais de justice de Paris. Plongée au cœur des comparutions immédiates, Naïma Rudloff en explique le fonctionnement et l'importance dans une interview à LexTimes.fr.

LexTimes.fr : Quel est votre rôle au sein de cette section ?
Naïma Rudloff : Le rôle du chef de section, dans un service comme celui-ci, c'est d'une part de superviser la permanence téléphonique, c'est-à-dire d'être à disposition des collègues qui peuvent avoir un problème de procédure ou d'orientation. C'est également d'être le filtre, l'intermédiaire avec les affaires qui sont à signaler et à faire remonter au procureur de la république. D'autre part, le chef de section joue un rôle au moment du dispatching le matin, c'est-à-dire de la répartition des dossiers. Il va confirmer ou pas l'orientation des dossiers, les répartir entre les deux chambres pour apprécier et surtout tenir compte de la capacité de jugement des chambres. Les collègues sont eux sur le fond des dossiers, ils gèrent les affaires au fond. Mon rôle, c'est une fois les dossiers arrivés au tribunal, savoir les répartir pour qu' en terme de gravité ou en terme de masse, la juridiction de jugement soit capable d'absorber ces dossiers. Donc c'est un rôle de gestion de flux à deux points chauds de la journée, le matin pour les déferrements du soir, et à 13h pour les déferrements de l'après-midi.

Les comparutions immédiates sont souvent critiquées et assimilées à une justice expéditive, qu'en pensez-vous ?
Dans mon parcours j'ai fait de la criminalité organisée pendant très longtemps et j'ai découvert assez tardivement le traitement en temps réel. Mais je trouve que c'est une expérience intéressante. C'est une justice qui est souvent mal analysée, mal comprise par les non professionnels et même parfois par les professionnels eux-mêmes. Elle a une image assez négative, mais quand on est plongé dans le traitement en temps réel et qu'on le pratique au quotidien, on s'aperçoit que c'est une justice dans laquelle il y a beaucoup de verrous de sécurité, et donc c'est une justice qui certes est rapide mais il y a tellement de ces verrous de sécurité que finalement on gagne en qualité de décision et d'efficacité aussi bien dans l'exécution, dans la rapidité, dans la réponse donnée aux prévenus mais également dans celle donnée aux victimes. Ça c'est quelque chose d'important.
Les dossiers sont simples et parfois graves. La défense se fait toujours avec des avocats de permanence qui sont à la disposition des prévenus. Il y a une enquête de personnalité qui est obligatoire et qui est faite par des personnes qui travaillent dès 7h le matin. On a donc nécessairement et obligatoirement des renseignements sur la personnalité du prévenu et en plus on a l'enquête de police sur le fond de l'affaire. De plus il y a des magistrats du parquet qui ont eux-mêmes étudié, qualifié le dossier voir notifié la comparution immédiate avant l'audience et ont déjà vu le prévenu. Donc ce n'est pas une justice froide et expéditive.
 

Et les victimes dans tout ça ?
En comparution immédiate, c'est une condition obligatoire que la victime soit visée, sinon le dossier est renvoyé. Donc les victimes sont appelées pour venir à l'audience. Il y a un avocat qui est à leur disposition ce qui montre que les efforts pour la qualité de la justice se font aussi bien du côté des victimes que des prévenus. Des avocats sont à disposition des victimes à partir de 13h pour préparer leur dossier, les défendre à l'audience. L'avocat est d'ailleurs mis gracieusement à leur disposition. Il est de permanence tous les jours, ce qui fait que même lorsque les victimes ne peuvent pas venir, par exemple parce qu'elles travaillent, elles peuvent se faire représenter par cet avocat. À l'audience d'ailleurs, c'est bien que les victimes viennent pour que l'on voit la confrontation avec le prévenu. Ça permet de relativiser certaines affaires par exemple celles de violences, ou lorsqu'on est sur des affaires de vol aggravé, ça permet à la victime d'expliquer sa souffrance.

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