Conflit d'intérêts : Député et promoteur immobilier

Thierry Robert.
Thierry Robert. Photo DR.

La Haute autorité pour la transparence de la vie publique a alerté l'Assemblée nationale et la Chancellerie sur la situation du député Thierry Robert, dont les fonctions dans plusieurs sociétés immobilières pourraient être incompatibles avec son mandat, a-t-elle confirmé mercredi.

Dans sa dernière édition, le Canard Enchaîné indique que la HATVP a envoyé un courrier cet été au président de l'Assemblée Claude Bartolone (PS) et à la ministre de la justice Christiane Taubira pour les alerter sur le cas de cet élu MoDem de la Réunion, qui siège parmi les députés RRDP (radicaux de gauche et divers gauche). 

Le bureau de l'Assemblée ou la ministre peuvent en effet saisir le Conseil constitutionnel, qui statue sur l'incompatibilité. Si un député ne régularisait pas sa situation, le Conseil pourrait le déclarer démissionnaire d'office de son mandat. Le cas de M. Robert sera au menu d'un prochain bureau de l'Assemblée nationale mi-octobre, pour examiner s'il y a nécessité de saisir les Sages, a-t-on indiqué dans l'entourage de Claude Bartolone. « Nous réagissons aux requêtes », a-t-on assuré de même source, affirmant qu' « il n'y a pas de retard » dans l'examen de la situation de cet élu.

M. Robert, chef d'entreprise, a déclaré des parts dans 18 sociétés, dont certaines ont une activité de promotion immobilière, ce qui est prohibé par l'article LO146 du code électoral. Maire de Saint-Leu et chef de file du MoDem pour les élections régionales de décembre à La Réunion, il fait par ailleurs l'objet d'une enquête ouverte par le parquet de Paris début juillet, après un signalement de la HATVP sur une possible sous-évaluation de son patrimoine. Le député a dénoncé pour sa part des « erreurs d'appréciation » et « une dénonciation calomnieuse »

Âgé de 38 ans, député depuis 2012, M. Robert siège à l'Assemblée au sein du groupe RRDP et est membre de la commission des affaires économiques. Le bureau de l'Assemblée, sa plus haute instance collégiale, est supposé vérifier en début de législature si les activités professionnelles des députés sont bien compatibles avec leur mandat.

Saisi le 1er octobre 2015 par M. Robert d'une demande tendant à apprécier s'il se trouve dans un cas d'incompatibilité, le Conseil constitutionnelCons. constit., 13 oct. 2015, n° 2015-31 I, Thierry Robert.  a rejeté la requête au motif qu'en application de l'article L.O. 151-2 du code électoral, il ne peut être appelé à apprécier si un député se trouve dans un cas d'incompatibilité qu' « après examen par le bureau de l'Assemblée nationale de la situation de ce député et à la condition que le bureau ait exprimé un doute à ce sujet », ce qui n'est pas encore le cas en l'espèce.

Le bureau de l'Assemblée nationale a décidé, le 14 octobre 2015, de saisir le Conseil constitutionnel, estimant qu'il y avait « un doute sur la compatibilité de certaines activités exercées par M. Robert » au regard du code électoral, selon un communiqué.

Les fonctions exercées dans les sociétés Robert Promotion SARL, Société Robert de construction et de location SARL, Hygiène Environnement et Équipements SARL, Robert Immobilier SARL, Sésame Immobilier SARL, Les Cases Créoles SARL, Îles de la Réunion Investissements SARL, Construction et location de l'Océan indien SARL, Bâtiment et travaux publics de l'Océan indien SARL, Le Saint-Étienne SCI, Les Clos de l'Entre-deux SCI, Rothim SCI, L'Avenir SCI, Les Frangipanes 1 SCI, Les Frangipanes 2 SCI et Hibiscus SCI, a jugé le Conseil constitutionnelCons. constit., 17 déc. 2015, n° 2015-32 I, Situation de Thierry Robert au regard du régime des incompatibilités parlementaires.« ne sont pas incompatibles avec l'exercice par M. Thierry Robert de son mandat de député ».

Les Sages ont en effet retenu, en premier lieu, qu'il résulte tant de l'objet social que de l'activité des sociétés Construction et location de l'Océan indien SARL, Sésame Immobilier SARL, Rothim SCI, L'Avenir SCI, Les Frangipanes 1 SCI, Les Frangipanes 2 SCI, Hibiscus SCI, Le Saint-Étienne SCI, Îles de La Réunion Investissements SARL et Hygiène Environnement et Équipements SARL que ces sociétés « n'entrent pas dans le champ d'application des dispositions du 4° de l'article L.O. 146 du code électoral ».

En deuxième lieu, poursuit le Conseil, les sociétés Société Robert de construction et de location SARL et Bâtiment et travaux publics de l'Océan indien SARL et Robert Promotion SARL ont fait l'objet de l'ouverture d'une procédure de liquidation respectivement le 19 septembre 2011, le 8 novembre 2012 et le 25 novembre 2013 et M. Robert a été nommé liquidateur de ces sociétés et à supposer que ces procédures de liquidation n'aient pas été clôturées, M. Robert « n'occupe dans ces sociétés aucune des fonctions mentionnées au premier alinéa de l'article L.O. 146 du code électoral ».

Et en troisième lieu, M. Robert n'occupe plus les fonctions de gérant de la société SARL Robert immobilier depuis le 30 novembre 2012 ni celles de gérant de la société Les Cases Créoles SARL depuis le 23 octobre 2012 ni celles de gérant de la société Les Clos de l'Entre-deux SCI depuis le 28 septembre 2015 et il ne résulte pas des éléments d'information dont il dispose, estime le Conseil, que M. Robert « exerce en fait [actuellement], directement ou par personne interposée, la direction de l'une de ces sociétés » et n'exerçant aucune des fonctions mentionnées au premier alinéa de l'article L.O. 146 du code électoral dans ces sociétés, il ne peut être « regardé comme exerçant dans ces sociétés des fonctions incompatibles avec l'exercice de son mandat de député ».