Correspondance : Une deuxième lettre de la CNIL visant le même article

LexTimes a reçu, le 17 septembre dernier et réitéré le 23 octobre, un second courrier de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), signé par un chargé de mission au service des plaintes, Guillaume Delafosse, concernant un article publié il y a plus de six ans (« Marble art invest : 20 personnes dont un huissier de justice sanctionnées pour une fraude pyramidale », Alfredo Allegra, 9 avril 2014) et visant, entre autres, une dame Martine Maroussy à qui il était reproché notamment des « versements importants de [Marble art invest] et des avantages en nature hors de proportion avec ses fonctions effectives », écopant à cette occasion d’une sanction pécuniaire de 500 000 euros et d’une interdiction définitive d’exercer de la part de la formation plénière de l’Autorité des marchés financiers (AMF).

Dans une lettre non datée et non signée relayée par la CNIL et qu’elle aurait envoyée à LexTimes « au mois de mai dernier », Mme Maroussy écrit que les informations publiées portent « atteinte à [sa] réputation et à [sa] famille » et dit s’opposer, sur le fondement de l’article 38 de la loi informatique et libertés, à ce que ses « données personnelles » soient « utilisées entre autres [son] nom martine maroussy », demandant de faire « le nécessaire pour que ces pages ne soient plus référencées par les moteurs de recherche ». Or, l’article a été rédigé en son temps à la suite d’une décision de l’AMF considérant qu’elle devait être rendue publique « sans qu’il y ait lieu de prévoir une anonymisation en faveur des personnes sanctionnées dont les manquements doivent être connus du public ».

Avant cette demande de Mme Maroussy, LexTimes avait déjà été destinataire, il y a deux ans, d’une demande tendant aux mêmes fins de la part d'un sieur Michaël Merlen via la CNIL qui a fait l’objet d’une longue réponse qu’elle ne peut ignorer pour avoir été publiée (« Correspondance : Une lettre de la Commission nationale informatique et libertés », 21 mai 2018) avec un lien au pied de l'article en question.

Dans cette réponse fort explicite, il est rappelé en substance que LexTimes est un journal d’information reconnu depuis sa création, en mars 2011, par la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) et son contenu (brèves, articles, enquêtes, reportages,…) — qui relève de la liberté d’expression garantie par les articles 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales — ne constitue pas un quelconque traitement de données à caractère personnel et il n’existe donc aucun droit d’opposition permettant de faire supprimer, anonymiser, modifier ou déréférencer une publication qui repose sur une base factuelle suffisante.

Les articles publiés ne sont en effet soumis ni à autorisation ni à censure d’une quelconque autorité administrative et les éventuels erreurs ou excès — que la maison éditrice ou le directeur de publication refusent de « corriger » — ne relèvent que de la seule juridiction de droit commun sur le fondement des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

La Cour européenne des droits de l’homme a ainsi jugé que « le rôle des autorités judiciaires n’est pas de réécrire l’histoire en ordonnant le retrait du domaine public de toute trace de publications en ligne jugées constitutives d’ "atteintes injustifiées à la réputation d’individus" »CEDH, 16 juill. 2013, n° 33846/07, Wegrzynowski et Smolczewski c/ Pologne., mettant ainsi sur un même pied d’égalité la presse papier et la presse en ligne.

Le fait de vouloir « imposer à un organe de presse, soit de supprimer du site internet dédié à l'archivage de ses articles, qui ne peut être assimilé à l'édition d'une base de données de décisions de justice, l'information elle-même contenue dans l'un de ces articles, le retrait des nom et prénom des personnes visées par la décision privant celui-ci de tout intérêt, soit d'en restreindre l'accès en modifiant le référencement habituel » excède, a dit pour droit la première chambre civile de la Cour de cassationCiv. 1re, 12 mai 2016, n° 15-17729, Stéphane et Pascal Dokhan c/ société les Échos. confirmant un arrêt de la cour d’appel de ParisParis, ch. 2-7, 26 févr. 2014, n° 12/14813, Stéphane et Pascal Dokhan c/ société les Échos., « les restrictions qui peuvent être apportées à la liberté de la presse ».

Quant à un éventuel déréférencement ou désindexation sur le fondement de l’arrêt Google SpainCJUE, gde ch., 13 mai 2014, n° C-131/12, Google Spain et Google Inc. c/ Agencia Española de Protección de Datos (AEPD), et Mario Costeja González., il appartient à la personne concernée, si elle estime toutes les conditions réunies, de saisir le ou les moteurs de recherche d’une telle demande.