Débat : L'avocat en entreprise peut-il concilier indépendance et subordination ?

La ministre de la justice, Christiane Taubira, a estimé vendredi que le nouveau statut d'avocat en entreprise, dont la création est inscrite dans le projet de loi Macron, posait encore des questions, notamment sur la capacité à ménager lien de subordination et indépendance.
Le Conseil national des barreaux (CNB), instance supposée être représentative des quelque 60 000 avocats de France, est opposé à la création de l'avocat en entreprise, dont il est prévu qu'il ne pourrait pas plaider, alors que le premier barreau de France, Paris avec plus de 25 000 avocats, y est, lui, favorable.
« Est-ce que nous sommes sûrs de concilier correctement la question de la subordination [...] et de l'indépendance ? », a interrogé la garde des sceaux, lors de son intervention durant l'université d'hiver du barreau de Paris. Elle souhaite également savoir comment « répondre à la question de l'intégration à la vie de l'entreprise » face à celle du « secret de la correspondance », et « comment nous allons garantir le contrôle déontologique de l'ordre » sur ces avocats en entreprise. Elle a aussi interrogé le principe d'interdiction faite aux avocats d'entreprise de plaider, qui crée une « différenciation » au sein d'une même profession avec, éventuellement, des « risques d'extension ».
« Veillons à ne pas déséquilibrer tout un système et à ne pas fragiliser toute une profession pour répondre à des attentes et à des besoins, tout à fait légitimes par ailleurs, mais qui concerneraient que quelques dizaines ou éventuellement quelques centaines de personnes ». Mme Taubira a donc invité le gouvernement, et le parlement lors de l'examen du texte fin janvier, à répondre« intelligemment et avec les précautions nécessaires » aux questions qui se posent encore.
Concernant l'autre point de crispation d'une majorité de la profession, à savoir la réforme de la postulation qui oblige aujourd'hui à passer par un avocat du barreau local, la ministre a regretté qu'aucune donnée chiffrée probante ne soit disponible pour en analyser l'impact. Dès lors, faute de données suffisantes, « je respecte une règle de prudence », a-t-elle expliqué. « Je peux entendre que les avocats veuillent aller plaider partout, librement, dans toutes juridictions et éviter de faire intervenir un avocat inscrit au barreau local [...] mais j'entends aussi ceux qui disent que le risque, c'est la disparition de barreaux ou le rétrécissement de barreaux », a-t-elle exprimé.
La garde des sceaux a regretté, au passage, que les discussions autour de la loi Macron ainsi que sur le sujet de l'aide juridictionnelle aient révélé des« fractures » au sein même de la profession, notamment « entre Paris et la province » et « entre les avocats judiciaires et les avocats conseils ».