Défenseur des droits : Moins de 5 % des avocats discriminés se rebiffent

Enquête du Défenseur des droits sur les conditions de travail et expériences des discriminations dans la profession d'avocat en France.

Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a présenté aujourd’hui les résultats d’une enquête intitulée « Conditions de travail et expériences des discriminations dans la profession d’avocat en France », réalisée en collaboration avec la Fédération nationale des unions de jeunes avocats (FNUJA), qui permet d’analyser sous quelles formes et selon quelle fréquence se manifestent les situations de discriminations dont les avocats, et plus particulièrement les avocates, peuvent faire « l’expérience ».

Selon cette enquête « Conditions de travail et expériences des discriminations dans la profession d’avocat en France », mai 2018, enquête réalisée par internet, entre le 2 juin et 9 juillet 2017, auprès d’un échantillon constitué à partir d’une base de contacts initiale permettant d’interroger les avocats exerçant en France (DOM inclus) et disposant d’une adresse électronique professionnelle, soit 44 458 avocats. Sur cette base ont été envoyés des messages électroniques d’invitation personnalisés comprenant un lien permettant de répondre de manière volontaire, confidentielle et anonyme. 7 138 réponses ont été recueillies. Analyses (pourcentages et régressions logistiques) pondérées, pour tenir compte du redressement de l’échantillon sur les caractéristiques sociodémographiques de la population des avocats en France, sur la base des données de la CNBF (Caisse nationale des barreaux français) de l’UNCA (Union nationale des CARPA), de KERIALIS (Prévoyance et retraite du personnel salarié des cabinets d’avocats) et des données statistiques du ministère de la justice au 16 mars 2016., 72 % des femmes et 47 % des hommes interrogés rapportent avoir été témoins de discriminations à l’encontre de leurs confrères mais il n’y en a « que » 38 % (dont 53 % de femmes et 21 % des hommes) qui disent avoir personnellement vécu une expérience de discriminations au cours des cinq dernières années, avec pour principaux motifs de discrimination déclarés : le sexe (22,4 %), la maternité (19,7 %) et l’âge (17,3 %).

Jeune et féminisée, la profession d’avocat se caractérise, selon les auteurs de cette enquête, par des inégalités marquées entre les femmes et les hommes mais certains groupes sociaux sont plus particulièrement exposés aux discriminations tels que, par exemple, 25 % des hommes de 30-49 ans ayant un enfant, 48 % des femmes de 40-49 ans perçues comme blanches, 66 % des hommes de 30-49 ans perçus comme noirs ou arabes, 69 % des femmes de 30-39 ans ayant un enfant et 74 % des femmes de 30-49 ans de religion musulmane.

La relation de travail entre confrères masculins et confrères féminins, le bénéfice d’une rémunération ou d’une rétrocession d’honoraires sont les circonstances dans lesquelles les situations de discrimination sont le plus souvent rapportées.

Moins de 5 % des femmes et des hommes confrontés à une discrimination disent avoir entamé des démarches formelles pour faire valoir leurs droits. L’inutilité du recours (29 %), l’insuffisance de preuves (23 %), la peur des représailles (21 %) sont les principaux motifs avancés pour continuer à subir en silence. De là à penser qu’il ne s’agit que de « mauvais » avocats incapables de se défendre eux-mêmes, il n’y a qu’un pas que LexTimes ne franchit pas.

Le Défenseur des droits se dit, lui, convaincu de la nécessité d’accompagner les avocats afin qu’ils puissent « mieux identifier les situations de discrimination et s’orienter vers les voies de recours appropriées ».