Démembrement : Monétisation du patrimoine immobilier des seniors

De g. à dr. Thomas Abinal, Amaury de Calonne, co-fondateurs de Monetivia, et Alain Burtin (Allianz France).
De g. à dr. Thomas Abinal, Amaury de Calonne, co-fondateurs de Monetivia, et Alain Burtin (Allianz France). Photo Jon Helland pour LexTimes.

Une start-up a présenté hier à la presse une solution « innovante » permettant aux seniors de monétiser leur patrimoine immobilier tout en gommant — partiellement — les désavantages du viager avec rente occupé et du démembrement pur et simple.

Dans le cas du viager, le retraité vend son bien immobilier moyennant un bouquet situé entre 20 et 30 %, perçoit une rente viagère égale à la différence entre le bouquet et la valeur de l’usufruit et peut se maintenir dans les lieux jusqu’à la fin de sa vie ou percevoir les fruits de la location du bien.

Concrètement, par exemple, pour un bien de 600 000 euros avec un bouquet de 30 % et un loyer théorique brut de 3,5 % vendu par une personne âgée de 75 ans — soit une espérance de vie d’environ 8,3 ans selon les tables de mortalité de l’Insee —, cela donne un bouquet de 180 000 euros et une rente annuelle indexée d’environ 30 252 euros [600 000 – (loyer annuel théorique de 21 000 € x nombre d’années d’espérance de vie de 8) – bouquet de 180 000 € / nombre d’années d’espérance de vie]. Si le crédirentier vit au-delà de ses 83 ans, le débirentier sera perdant et, à l’inverse, si le crédirentier décède avant d’avoir atteint ses 83 ans, le débirentier sera gagnant. Il s’agit donc d’un pari sur une mort plus ou moins rapide du vendeur qui ne se réalisera peut-être pas.

Dans le cas d’un simple démembrement, notre retraité de 75 ans possédant un bien immobilier de 600 000 euros peut en vendre la nue-propriété moyennant la somme de 360 000 euros selon les tables de l'administration fiscale et se maintenir dans les lieux jusqu’à la fin de sa vie. Pour l’acheteur et le vendeur, les avantages et les inconvénients sont un peu atténués mais restent proches du viager avec rente occupé.

Monetivia est une vente avec un usufruit temporaire assortie d'un contrat d'assurance prémunissant l'acheteur en cas de longévité prolongée du vendeur

Le contrat imaginé et mis au point par la société Monetivia, avec le concours de la compagnie d’assurances allemande Allianz, n’innove en réalité pas grand-chose et est en fait une vente liée (le démembrement d’un bien immobilier et la souscription simultanée obligatoire d’un contrat d’assurance) qui se situe à mi-chemin entre ces deux solutions séculaires. Il s’agit d’un démembrement avec un usufruit temporaire de 10 à 20 ans et au-delà une rente garantie au profit du vendeur ou de l’acheteur selon que le senior se maintient ou non dans les lieux. La perte ou le gain financier (selon que l’on se place du point de vue du vendeur ou de l’acheteur) en cas de mort prématurée est atténué voire supprimé par un complément de prix à payer par l’acheteur aux héritiers du vendeur et, de même, le possible gain ou perte abyssale en cas de longévité très prolongée au-delà de l’expiration de l’usufruit temporaire est assumé par l’assureur moyennant le versement d’une prime unique de 3,039 % de la valeur du bien démembré lors de la conclusion du contrat.

Appliqué au cas précédemment évoqué, avec ce contrat Monetivia, notre senior de 75 ans va céder la nue-propriété de son bien de 600 000 euros pour 330 000 euros, bénéficier d’un usufruit temporaire de 20 ans et au-delà pourra se maintenir dans les lieux gratuitement et une rente annuelle d’environ 9 900 euros (valeur 2016, 12 692 € au bout de 20 ans avec une participation aux bénéfices de 1,50 % ou 15 449 € avec une participation de 2,50 %) sera alors versée à l’acheteur ou c’est le vendeur qui la percevra s’il accepte de vider les lieux.

Pour le vendeur, l’intérêt mis en avant par Thomas Abinal, co-fondateur de Monetivia, est qu’en cas de décès prématuré, c’est-à-dire avant la fin de l’usufruit temporaire, l’acheteur paiera un complément de prix aux héritiers du vendeur. À cet intérêt tout relatif pour le vendeur qui, dans cette hypothèse, n’est plus de ce monde et ne s’est probablement pas décidé à se lancer dans cette opération de démembrement pour le bien-être de ses héritiers, il y a cette souscription concomitante obligatoire d’un contrat d’assurance à prime unique dont le coût, pourtant relativement élevé, 18 234 euros dans ce cas-ci, ne procure qu’une rente garantie mais non indexée et nettement inférieure à la valeur locative du bien. Le vendeur sans enfant ou qui ne souhaite pas le ou les gratifier outre mesure privilégiera l’une des deux solutions séculaires et fera ainsi, en outre, l’économie non négligeable de la prime d’assurance et obtiendra un prix de vente supérieur de 30 000 euros.

Côté acheteur, son intérêt est que ce contrat complexe lui permet d’investir dans l’immobilier à moindre coût, de se prémunir contre une longévité excessive du vendeur et, de surcroît, si le vendeur décide de se maintenir dans les lieux, de percevoir une petite rente garantie jusqu’à ce qu’il en ait la jouissance effective. C’est apparemment, sur papier, une solution quasi idéale pour l’acheteur mais encore faut-il qu’il y ait des vendeurs à ces conditions, ce qui est loin d’être certain.

Ce contrat Monetivia constitue une simple approche supplémentaire pour investir dans l’immobilier ou le monétiser mais n’est en rien la solution « inédite en réponse à un véritable enjeu sociétal » annoncée et ne devrait être sélectionnée qu’après le conseil indépendant d’un avocat ou d’un spécialiste en la matière.

Créée le 15 juillet 2015, M. Abinal confirme à LexTimes que la société Monetivia est en effet enregistrée sous le code NAF 6630 Z correspondant à une activité de « Gestion de fonds » sans posséder d’agrément de l’Autorité des marchés financiers (AMF) mais cela « ne correspond pas, dit-il, à la réalité de [leur] activité [qui] est : la transaction immobilière, le courtage en assurance et le conseil en investissement » et précise que sa société est titulaire d’une carte de transactions immobilières et fonds de commerce (7501 2016 000 011 039) et est immatriculée à l’ORIAS en qualité de courtier d’assurance et de conseiller en investissement financier (16001731).