Discriminations : 12e baromètre de l’OIT et du Défenseur des droits

12e baromètre des discriminations dans l'emploi en raison d'une activité syndicale.
12e baromètre des discriminations dans l'emploi en raison d'une activité syndicale.

Le Défenseur des droits et l'Organisation internationale du travail (OIT) publient le 12e baromètre de la perception des discriminations dans l'emploi, visant à mieux connaître les discriminations en raison de l'activité syndicale.

L'enquête est inédite par son ampleur et sa méthode puisqu'elle interroge deux groupes d'individus sur leur perception et leur expérience des discriminations dans l'emploi en raison de l'activité syndicale. D'un côté 1 000 personnes représentatives de la population active et, de l'autre, 33 000 adhérents des huit principales organisations syndicales françaisesCFDT, CFTC, CFE-CGC, CGT, FO, FSU, UNSA, Union syndicale Solidaires..

Les résultats de cette enquête montrent que la discrimination syndicale au travail est élevée (46 %), que l'engagement syndical est perçu comme un risque professionnel pour 42 % de la population active et 67 % des syndiqués interrogés et que la peur des représailles de la part de la direction est le facteur qui dissuade le plus la population active de s'engager dans une activité syndicale (35%).

Selon cette enquête, les discriminations syndicales prennent souvent la forme de sanctions (absence d'évolution de carrière pour 47 % personnes syndiquées interrogées, dégradation du climat de travail pour 44 % ou des conditions de travail pour 36 %, voire une non-augmentation salariale pour 30 %) et engager un recours s'accompagne de représailles (44 %), outre la difficulté de prouver la discrimination qui constitue la principale cause de non-recours.

Pour combattre ces pratiques discriminatoires, le Défenseur des droits publie un memento sur les discriminations syndicales dans l'emploi privé qui se veut un outil pratique et pédagogique afin que les acteurs de l'entreprise (employeurs, salariés et syndicats) puissent repérer, prouver et corriger les discriminations syndicales dans le déroulement de leur carrière professionnelle.

Le Défenseur des droits a publié des exemples de saisines liées aux discriminations syndicales. En voici quelques-unes.

Inégalités salariales et mesures de rétorsion

Une travailleuse handicapée et menant une activité syndicale s’est vue imposer une nouvelle fiche de poste et refuser une formation, a été mise à l’écart et a subi une inégalité salariale, malgré une ancienneté plus élevée que ses collègues. Considérant avoir été victime de discrimination en raison de son action syndicale et de son handicap, elle a saisi le Défenseur des droits et le conseil de prud’hommes.

Au cours de son enquête, le Défenseur des droits a constaté que la personne subissait bien une discrimination salariale par rapport à ses collègues de travail placés dans une situation comparable. Par ailleurs, l’enquête a révélé qu’à compter de la dénonciation des faits de discrimination, l’employeur a exercé des représailles : avertissement pour manquements professionnels, arrêt du maintien de salaire pendant un arrêt maladie, refus du mi-temps thérapeutique conseillé par le médecin, volonté de la licencier.

Grâce à l’intervention du Défenseur des droits, l’employeur et la salariée ont trouvé un terrain d’entente et ont mis fin au litige.

Mise à l’écart, prime non-versée et dégradation de l’état de santé

Un fonctionnaire travaillant au sein d’un centre communal d’action sociale (CCAS) a subi un traitement défavorable de la part de sa supérieure hiérarchique après avoir contesté, au sein du CHSCT, la réorganisation du centre : il ne perçoit plus la nouvelle bonification indiciaire (NBI), il est isolé et ses qualités professionnelles sont dénigrées.

Son état de santé s’est dégradé et il s’est senti contraint de chercher un emploi dans une autre structure pour retrouver des conditions de travail sereines ; ce sont les deux éléments qui ont permis au Défenseur des droits de qualifier cette situation de harcèlement discriminatoire. Suite aux recommandations du Défenseur des droits, le directeur du CCAS a pris des mesures pour remédier à la situation : règlement de la NBI non-perçue et proposition d’un nouveau poste.

Des critères de sélection discriminatoires

À la suite d’un courriel envoyé par un manager cherchant à établir une liste de collaborateurs à muter dans une autre entité, dans lequel est précisé que ceux-ci ne doivent pas être : « IRP » (membres des institutions représentatives du personnel), « âgé[s] de plus de 55 ans » ou « difficilement mobile[s] du fait d’un handicap », l’organisation syndicale de l’entreprise en question a alerté le Défenseur des droits. Ce dernier a décidé de se saisir d’office.

L’entreprise a indiqué qu’il s’agissait d’un acte isolé qui ne reflétait pas les pratiques du groupe et qu’une sanction avait été notifiée à ce salarié. Elle a également mis en avant les multiples règles internes interdisant toute forme de discrimination. À la suite de l’intervention du Défenseur des droits, l’organisation syndicale a salué les dispositifs mis en place par la direction en terme de lutte contre les discriminations.

Obstacles administratifs et procédures de licenciement

Un chauffeur de poids lourds estimait faire l’objet d’une discrimination à cause de son activité syndicale, se traduisant par le déclenchement de plusieurs procédures de licenciement à son encontre, des provocations et humiliations, le non remboursement de ses frais de déplacements, des difficultés pour obtenir le paiement de ses indemnités journalières et la radiation de ses ayants-droits de la mutuelle d’entreprise.

L’entreprise a alors demandé l’autorisation à l’Inspection du travail puis au ministre du Travail de licencier le salarié, sans succès. Le chauffeur a décidé de porter plainte pour harcèlement moral et discrimination mais le tribunal de grande instance a relaxé l’employeur, de la même manière que la cour d’appel et le conseil de prud’hommes.

Il a alors saisi le Défenseur des droits qui a constaté que la chronologie des événements laissait supposer qu’il existait un lien entre la dégradation des relations de travail du salarié et ses activités syndicales. La détérioration de son état de santé a permis de qualifier la situation de harcèlement discriminatoire. Le Défenseur des droits a présenté ses observations devant la cour d’appel.

Un salarié discriminé pour ses convictions religieuses et ses activités salariales

Dès le lendemain de sa désignation en tant que délégué syndical, un salarié est convoqué puis mis à pied pour des faits survenus deux mois plus tôt. Bénéficiant du soutien de 45 de ses collègues dans une pétition, il n’est finalement pas licencié. C’est dans ce climat de travail dégradé que le salarié s’est vu refuser sa demande d’autorisation d’absence le jour de l’Aïd-El-Fitr et que, alors qu’il avait été mis à disposition dans une direction plus proche de son domicile, son employeur a décidé de le renvoyer dans son ancienne direction, sans explication.

Grâce à l’intervention du Défenseur des droits, le salarié a finalement été affecté à un poste qui lui convenait et qu’il a accepté. S’agissant du refus d’autorisation d’absence, le Défenseur des droits a conclu que ce refus, doublé d’une retenue sur salaire, caractérisait une discrimination syndicale et religieuse. Sur ce point, il a recommandé à l’employeur de sensibiliser ses services et le personnel d’encadrement à la non-discrimination syndicale et religieuse.

Licenciement suite à une prise de parole publique

Après le suicide d’un jeune au sein d’un foyer d’hébergement, une éducatrice spécialisée au sein d’une association prenant en charge, accueillant et hébergeant des mineurs étrangers, a dénoncé dans les médias, les conditions d’accueil au sein de ce foyer et plus largement la gestion de la politique migratoire du département. En sa qualité de représentante du personnel, elle a demandé la tenue d’un CHSCT extraordinaire sur ces questions.

Suite à ces déclarations, l’association qui l’employait l’a convoquée à un entretien préalable à licenciement puis a sollicité de l’inspection du travail l’autorisation de la licencier pour avoir tenu de telles déclarations, qu’elle jugeait mensongères et erronées. Saisi, le Défenseur des droits a considéré que le licenciement constituait une mesure de représailles envers l’éducatrice. Il a donc recommandé à l’association de réparer son préjudice.

Interdiction de licencier un salarié candidat à des élections syndicales

Un opérateur de sécurité a été licencié pour faute grave, une semaine après sa participation à un mouvement de grève et alors qu’en manifestant son intention de se présenter aux élections professionnelles, il aurait dû bénéficier du statut de salarié protégé durant six mois.

Interrogée par le Défenseur des droits, l’entreprise n’a pas justifié en quoi le licenciement pour faute grave du salarié constituait une mesure objective, nécessaire et proportionnée. Le Défenseur des droits en a donc conclu que ce licenciement constituait une mesure discriminatoire en raison des activités syndicales et de la participation de l’opérateur à un mouvement de grève.

Discrimination syndicale et homophobie

Un salarié dénonçait le harcèlement discriminatoire subi à compter de sa participation à la création d’une section syndicale dans son entreprise. Les faits de harcèlement, caractérisés par des menaces, violences et propos dégradants, notamment par rapport à son orientation sexuelle, et par une mise à l’écart, ont été corroborés par de nombreuses attestations, plaintes, mains courantes et échanges avec l’Inspection du travail.

Après enquête, le Défenseur des droits a constaté que le harcèlement discriminatoire était établi et a donc décidé de présenter ses observations devant le conseil de prud’hommes saisi.

Mesures de rétorsion au retour de congé maternité

Une salariée dénonçait une discrimination liée à son état de santé, ses grossesses, son sexe et ses activités syndicales. L’employeur lui a, en effet, refusé un mi-temps thérapeutique pourtant préconisé et des bonus de fin d’année, a changé son poste à son retour de maternité et a engagé une procédure de licenciement alors qu’elle comptait candidater aux élections professionnelles.

Après enquête, le Défenseur des droits a considéré que la société mise en cause n’apportait pas la preuve que la situation dénoncée n’était pas discriminatoire. Il a donc décidé de présenter ses observations devant la cour d’appel qui a suivi ses constats en reconnaissant la discrimination et en condamnant l’entreprise à verser des dommages et intérêts à la salariée.