Divorce sans juge : Des propos du notariat indignes juge le CNB

Divorce sans juge

Le divorce sans juge, institué par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle à compter du 1er janvier 2017 avec la participation d’un avocat pour chaque époux pour rédiger la convention de dissolution du mariage et une participation exceptionnelle d’un notaire tarifée à 50 euros TTC pour la conserver et lui donner date certaine, est le prétexte pour un échange nourri d’amabilités entre les deux professions juridico-judiciaires.

Le législateur de 2016 a en effet entendu recentrer le rôle du juge sur ses missions contentieuses et le décharger, entre autres, des divorces par consentement mutuel pour lesquels son rôle se borne à homologuer les conventions rédigées pour le ou les avocats des époux. Malgré l’intervention de deux avocats au lieu d’un auparavant pour ce genre de divorce, l’objectif affiché est assurément, outre un désengorgement des tribunaux, d’offrir aux divorces non-conflictuels sans juge la même fiabilité à moindre coût et dans des délais nettement plus courts avec, en plus, la sécurité du notaire pour garder la convention précieusement au rang de ses minutes.

C’est « ce plus » qui a le don de déranger les notaires aussi bien que les avocats. Les notaires sont très mécontents de n’avoir obtenu, à un tarif imposé dérisoire de 50 euros, que la portion congrue de l’énorme gâteau et les avocats sont, certes, très contents d’avoir obtenu quelque chose de précis à mettre dans leur « acte d’avocat » institué par le législateur de 2011 et codifié par celui de 2016 à l’article 1374 du code civil mais ils sont aussi très mécontents que le législateur ne soit pas allé jusqu’au bout de sa logique en conférant « authenticité » et/ou « date certaine » à leur acte d’avocat.

C’est ainsi que malgré un communiqué du garde des sceaux, Jean-Jacques Urvoas, qui confirme le rôle mineur du notaire qui « ne remplace pas le juge : il ne contrôle pas le consentement des parties ni l’équilibre de la convention, ces missions étant assurées par les avocats. Ni les parties ni les avocats ne se présentent devant lui », le président du Conseil supérieur du notariat (CSN) Didier Coiffard a lancé les hostilités en faisant état du « risque » que les conventions rédigées par les avocats ne soient « déséquilibrées » ou « non conformes à la législation » voire pourraient heurter « l’ordre public ».

Des propos qualifiées d’ « indignes » et de « contraires à la loi » par le président du Conseil national des barreaux (CNB) Pascal Eydoux qui rappelle que l’acte d’avocat a « une valeur probante supérieure à l’acte sous seing privé puisqu’il fait foi de l’écriture et de la signature des parties jusqu’à inscription de faux » et que l’avocat est un professionnel du droit qui engage « sa responsabilité quant au contenu de la convention, à sa validité, à sa pleine efficacité et à la vérification des signatures des parties » et veillera « au respect des lois et règlements lors de la rédaction de cet acte et ne contresignera bien évidemment pas une convention contraire à l’ordre public » pour dénoncer les attaques « indignes » des notaires qui auraient voulu « exercer un contrôle de ces actes » qu’ils n’ont pas obtenu.

La loi n’a confié au notaire, insiste Pascal Eydoux, qu’un contrôle strictement formel de la convention lors de son dépôt. « Dès lors que la convention comportera les mentions exigées, que le formulaire d’information singé par le mineur y sera joint et que le délai de réflexion de 15 jours laissé aux parties avant de signer la convention aura été respecté, le notaire n’aura pas d’autre choix que de déposer l’acte au rang des minutes : c’est ce que dit la loi et il ne peut rien y ajouter », peste Me Eydoux qui prévient que si les notaires entravent « l’application de la loi nouvelle sur le divorce », il appartiendra aux pouvoirs publics d’en tirer les conséquences et de « conférer force exécutoire à l’acte d’avocat ». Une entrave dont les avocats se réjouissent par avance.