Données personnelles : Un droit de propriété monétisable à inventer

Google Facebook Microsoft Apple

Une étude du think tank GenerationLibre « Mes data sont à moi » plaide pour l’instauration d’une « patrimonialité des données personnelles » qui nécessiterait que le législateur confère à chaque individu un droit de propriété sur ses données personnelles qu’il pourrait ommercialiser ou non directement ou indirectement.

L’idée n’est pas neuve et a germé outre-Atlantique dans l’esprit d’un pionnier de la réalité virtuelle et salarié de la société Microsoft, Jaron Lanier, auteur de « Who Owns the Future ? » (Simon & Schuster, New York, 2013) et co-auteur d’un papier, avec un collègue et trois universitaires, intitulé « Should We Treat Data as Labor ? Moving Beyond "Free" »Imanol Arrieta Ibarra de la Stanford University, Leonard Goff de la Columbia University, Diego Jiménez Hernández de la Stanford University et E. Glen Weyl de Microsoft Research et Yale University, American Economic Association Papers & Proceedings, Vol. 1, n° 1, 27 déc. 2017. dans lequel les cinq chercheurs développent la thèse selon laquelle le système actuel — consistant pour les géants du net, Google, Facebook et autres Microsoft, à offrir des services gratuitement aux internautes en échange de la collecte, du stockage et de l’utilisation de leurs données personnelles voire intimes destinées à être louées ou vendues à des agences et des annonceurs qui, à leur tour, les agrégeront à d’autres données personnelles ou commerciales pour proposer ensuite aux bénéficiaires des services gratuits des publicités dites « ciblées » correspondant exactement à leurs goûts vrais ou supposés et à leurs recherches du moment sur Chrome, Bing ou les réseaux sociaux — n’est pas le bon et risque même d’être un frein au développement de l’intelligence artificielle si elle n’est ou demeure contrôlée que par une seule poignée de sociétés.

Reprenant cette idée à son compte, le groupe de réflexion libéral de Gaspard Koenig milite pour une réappropriation de leurs données personnelles par les utilisateurs des réseaux sociaux et autres plateformes par l’instauration d’un droit de propriété sur lesdites données qui permettrait à tout un chacun de les stocker et d’en ouvrir ou fermer l’accès totalement ou partiellement, d’accepter de les monétiser ou non, directement ou par l’intermédiaire d’un tiers, à telle société ou plateforme et, symétriquement, en pareille hypothèse, l’accès aux réseaux sociaux et autres géants du net serait payant lorsque l’utilisateur voudrait y accéder sans avoir à communiquer ses données personnelles, c’est-à-dire de manière anonyme. Le système actuel de troc de services contre les données personnelles pourrait subsister avec le nouveau système à inventer.

Là où GenerationLibre perd pieds et son discours devient incohérent est lorsqu’il propose de « soumettre les futures transactions à la TVA » et la TVA ainsi collectée « viendrait nourrir les budgets des États de l’Union européenne et assurerait un partage de la chaîne de valeur en lien avec l’intérêt général ». Or, soumettre ces transactions de location et de vente de données personnelles à la TVA sous-entend, par exception aux règles en vigueur, un assujettissement à la TVA de tous les internautes-producteurs de données dès le premier euro (la franchise annuelle en base de TVA en matière de prestations de services étant actuellement de 33 200 € et de 82 800 € en matière d’activités commerciales) ce qui, pour les « petits producteurs », générerait un travail de facturation-comptabilité-règlement nettement disproportionné par rapport au « bénéfice » escompté ou attendu. Il ne devrait en fait pas y avoir de dérogation à la franchise en base de TVA et ces transactions n’y seraient donc pas soumises.

La valeur d'un tel « marché des données » est inconnue, confesse GenerationLibre qui annonce que son étude sera complétée par une « modélisation économétrique en cours de réalisation en partenariat avec des chercheurs de la Toulouse School of Economics » qui devrait alors permettre de se faire « une meilleure idée des revenus que chacun pourrait attendre d'un flux quasi continu de nanopaiements ».

LexTimes a exploré une première approche. Si, par exemple, Facebook distribuerait la quasi totalité de son résultat trimestriel net actuel de 4 milliards de dollars à ses 2 milliards de membres, cela représenterait un revenu de 2 $ par trimestre pour chaque internaute membre du réseau social et en y ajoutant les revenus en provenance des autres GAFAM, on pourrait bon an mal an sans doute atteindre un revenu annuel de 50 $ ou € !