Écoutes : La QPC de Gilbert Azibert accueillie par le Conseil constitutionnel

Gilbert Azibert. Photo DR.

La chambre criminelle de la cour de cassation a accepté de renvoyer au conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par Gilbert Azibert dans le cadre des affaires dite des « écoutes ».

La question porte sur les dispositions des articles 815657 et 96 du code de procédure pénale qui autorisent « la saisie de toutes pièces, y compris, au sein d'une juridiction, d'une pièce couverte par le secret du délibéré, sans assigner de limites à cette mesure ni l'assortir de garanties spéciales de procédure » et il est soutenu qu'elles porteraient atteinte au principe d'indépendance des juges et au droit à un procès équitable garantis par les articles 64 de la Constitution et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

La cour de la cassationCrim. 29 sept. 2015, n° 15-83207, Gilbert Azibert. a estimé la question suffisamment « sérieuse » dans la mesure où les dispositions critiquées seraient en contradiction, souligne-t-elle, avec les principes « principes d'indépendance et d'impartialité du juge, auxquels participe le secret du délibéré ».

Gilbert Azibert, 68 ans, ancien premier avocat général près la cour de cassation, a été mis en examen en juillet 2014 des chefs de « recel de violation du secret professionnel et trafic d'influence passif par une personne exerçant une fonction publique » à la suite d'écoutes judiciaires de conversations échangées sur téléphones portables entre l'ancien chef de l'État Nicolas Sarkozy et son avocat, Thierry Herzog, dans le cadre du dossier Bettencourt.

Après avoir réduit le champ de la question compte tenu des griefs du requérant, le Conseil constitutionnelCons. constit., 4 déc. 2015, n° 2015-506 QPC, Gilbert Azibert. a censuré le troisième alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale et certaines dispositions de l'article 57, articles relatifs à la saisie et à la perquisition dans le cadre d'une enquête de flagrance. Il a jugé que, s'il est loisible au législateur de permettre la saisie d'éléments couverts par le secret du délibéré, il lui appartient de prévoir les conditions et modalités selon lesquelles une telle atteinte au principe d'indépendance peut être mise en œuvre afin que celle-ci demeure proportionnée. Or, ni les dispositions contestées, ni aucune autre disposition n'indiquent à quelles conditions un élément couvert par le secret du délibéré peut être saisi. Le Conseil constitutionnel a donc estimé que le législateur avait ainsi méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions qui affectent par elles-mêmes le principe d'indépendance des juridictions.

S'agissant des effets dans le temps de la déclaration d'inconstitutionnalité, la date de l'abrogation de ces dispositions a été reportée au 1er janvier 2017 mais afin de faire cesser l'inconstitutionnalité constatée, le Conseil constitutionnel a jugé qu'à compter de la publication de sa décision, il ne sera plus possible de saisir des éléments couverts par le secret du délibéré. Compte tenu des conséquences manifestement excessives qu'aurait, au regard de l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions, la remise en cause des actes de procédure pénale pris sur le fondement des dispositions déclarées inconstitutionnelles, le Conseil a jugé que ces mesures ne peuvent toutefois être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.