Éducation : Le droit de correction est à reléguer aux oubliettes

Le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe (CEDS) considère que le droit français ne prévoit pas d’interdiction « suffisamment claire, contraignante et précise des châtiments corporels infligés aux enfants ni par la loi ni par la jurisprudence », selon une décision rendue publique aujourd'hui mais qui a été adoptée le 12 septembre 2014.
Le Comité d'experts indépendants, chargé par l’organisation paneuropéenne réunissant 47 pays de vérifier l’application de la Charte sociale européenne, rappelle ainsi qu’il avait déjà constaté à plusieurs reprises que la situation en France n'était pas conforme à l’article 17 de la Charte qui dispose que :
« Les enfants et les adolescents ont droit à une protection sociale, juridique et économique appropriée. En vue d’assurer aux enfants et aux adolescents l’exercice effectif du droit de grandir dans un milieu favorable à l’épanouissement de leur personnalité et au développement de leurs aptitudes physiques et mentales, les Parties s’engagent à prendre, soit directement, soit en coopération avec les organisations publiques ou privées, toutes les mesures nécessaires et appropriées tendant :
- à assurer aux enfants et aux adolescents, compte tenu des droits et des devoirs des parents, les soins, l’assistance, l’éducation et la formation dont ils ont besoin, notamment en prévoyant la création ou le maintien d’institutions ou de services adéquats et suffisants à cette fin,
- à protéger les enfants et les adolescents contre la négligence, la violence ou l’exploitation,
- à assurer une protection et une aide spéciale de l’État vis-à-vis de l’enfant ou de l’adolescent temporairement ou définitivement privé de son soutien familial ».
C'est par une réclamation collective déposée en février 2013 contre sept pays membres, dont la France, par une OING ayant le statut participatif, l’Association pour la protection des enfants (Approach), que le Conseil de l’Europe a été saisi en raison de « l’absence d’interdiction explicite et effective de tous les châtiments corporels envers les enfants en milieu familial, scolaire et autre cadres ».
Pour ce qui est de la France, la décision a été adoptée le 12 septembre 2014 et rendue publique aujourd'hui, soit quatre mois après avoir été notifiée, le 3 novembre 2014, aux parties concernées, comme le prévoit la procédure. La Charte sociale européenne, complément naturel de la Convention européenne des droits de l’homme dans le domaine des droits sociaux et économiques, est un texte international juridiquement contraignant que les États s’engagent à respecter lorsqu’ils le ratifient. La France a signé la Charte sociale européenne révisée en 1996 et l’a ratifiée en 1999.
Dans sa réclamation visant la France, Approach soutenait que diverses formes de châtiments corporels sont licites dans le cadre familial, dans les différents types d'établissements d'accueil et en milieu scolaire, du fait de l'existence, reconnue par les juridictions françaises, expliquait-elle, d'un « droit de correction » inscrit dans le droit coutumier et citait, pour illustrer son propos, diverses décisions judiciaires
En défense, le gouvernement français faisait état du fait que la chambre criminelle de la cour de cassation « ne semble plus désormais [se] référer au "droit de correction" » pour en conclure que « l'absence d'interdiction générale des châtiments corporels ne saurait constituer une violation de l'article 17 de la Charte ».
Rappelant toutefois qu'il existe à présent un large consensus au niveau international pour considérer que « les châtiments corporels infligés aux enfants doivent être expressément et entièrement interdits en droit », le Comité souligne que dans une décision contre le Portugal, l'Organisation mondiale contre la torture a estimé à propos de l'article 17 de la Charte que le droit interne des États doit contenir « des dispositions qui permettent d'interdire et de sanctionner toute forme de violence à l'encontre des enfants, c'est-à-dire de tout acte ou comportement susceptible de porter atteinte à l'intégrité physique, à la dignité, au développement ou à l'épanouissement psychique de l'enfant », précisant que ces dispositions doivent être « suffisamment claires, contraignantes et précises » pour ne pas laisser au juge la possibilité « de refuser d'en faire application aux violences contre les enfants », l'État devant agir avec diligence pour « éliminer concrètement les violences proscrites ».
L’Unicef demande au gouvernement français, dans un communiqué, « de mettre sa législation en conformité avec ses engagements internationaux », ajoutant qu'elle ne peut pas continuer à « ignorer les recommandations des différentes institutions internationales, en tolérant une situation où les enfants pourtant vulnérables sont les seuls en France dont on n’ait pas à respecter totalement l’intégrité physique ».