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Enquête : Les rendez-vous judiciaires de Marine Le Pen

Par Alfredo Allegra | LEXTIMES.FR |
Marine Le Pen. Capture d'écran. Marine Le Pen. Capture d'écran.

À l’inverse de François Fillon qui a promis de ne pas briguer la magistrature suprême en cas de mise en examen, Marine Le Pen se fait, en revanche, une très haute idée de la présomption d’innocence et ne renoncera à l’Élysée que si elle y est contrainte et forcée par la justice. Au dernier pointage, la candidate frontiste est impliquée dans pas moins de quatre affaires.

Le Front national (FN) aligne 23 députés au parlement européen et chacun dispose d’une cagnotte mensuelle de 21 379 euros pour rémunérer ses assistants parlementaires mais, en 2015, l'Office européen de lutte antifraude (Olaf) a été saisi pour des soupçons d'emplois fictifs. Au lieu d'assister les eurodéputés à Strasbourg et à Bruxelles, 20 collaborateurs parlementaires frontistes travailleraient en fait au siège du mouvement, à Nanterre.

Les vrais-faux assistants au parlement européen

Les noms des 20 vrais-faux assistants parlementaires apparaissent en effet dans l'organigramme du parti et certains d'entre eux, supposés loger dans la capitale belge, ne mettraient en fait que très rarement les pieds à Bruxelles. « Moi, par exemple, j’ai été payé à moitié par le parlement européen alors que je n’ai jamais mis les pieds à Strasbourg ou à Bruxelles », a reconnu sous couvert d’anonymat l'un d’eux qui s’est confié à l'Express. Le préjudice s'élèverait à 7,5 millions d'euros sur la période 2010-2016 mais le FN dénonce « une opération politique directement pilotée par François Hollande et Manuel Valls, dans le but d'entraver, de surveiller et d'intimider l'opposition patriote ».

C’est toutefois l'Olaf qui a sommé Marine Le Pen à l’issue de son enquête de rembourser la somme de 339 000 euros correspondant aux salaires versés à deux de ses assistants, Catherine Griset et Thierry Légier, depuis 2010. La première, ex-belle-sœur de Marine Le Pen, a occupé — en plus de ses fonctions européennes — celles de responsable du secrétariat de la présidente du FN puis de chef de cabinet et les enquêteurs n'ont trouvé à son nom dans la capitale belge ni bail ni facture de gaz ou d'électricité. Quant à Thierry Légier, il cumulait son emploi d'attaché parlementaire avec celui de garde du corps de Marine Le Pen. L’élue frontiste avait jusqu'au 31 janvier pour rembourser la somme réclamée et ne s’étant pas exécutée, la moitié de son indemnité parlementaire et la moitié de ses frais de séjour vont être retenues jusqu’à parfait remboursement de la somme due. Son père, Jean-Marie Le Pen, se trouve dans une situation identique à concurrence, lui, de 320 000 euros.

Le dossier a également été transmis à la justice française et une information est ouverte depuis le 15 décembre dernier des chefs de « abus de confiance et recel, escroquerie en bande organisée, faux et usage de faux et travail dissimulé ».

Le financement des campagnes électorales

Depuis 2011, le FN est soupçonné d'avoir mis en place des pratiques pas très orthodoxes pour financer ses campagnes électorales impliquant le FN, son micro-parti Jeanne et la société Riwal, dirigée par Frédéric Chatillon qui est un proche de la présidente frontiste. Riwal est soupçonnée d'avoir vendu des kits aux candidats investis par le FN (contenant site internet, tracts, affiches et autre matériel de propagande) à un prix surfacturé et financés par un prêt fourni par Jeanne à un taux d'intérêt de 6,5 %.

Les frais de campagne étant remboursés par l'Etat dès lors que le candidat obtient au moins 5 % des voix, l’emprunt était remboursé majoré des intérêts. Le micro-parti de Marine Le Pen percevait ainsi environ 1 000 euros par kit et le bénéfice de Riwal était gonflé par la surfacturation des kits au préjudice final de l'Etat. Ce stratagème aurait permis à la société de Frédéric Chatillon de contribuer au financement illégal des campagnes du FN à hauteur de plusieurs millions d'euros par la mise à disposition gratuite de locaux et d’employés, l’octroi de prêts sans intérêts et prise en charge de factures diverses et variées.

Trois procédures sont actuellement pendantes. Dans la première, dix personnes physiques personnes et morales ont été mises en examen des chefs de « escroquerie, recel d’abus de biens sociaux, faux et usage de faux » à propos les élections législatives de 2012 parmi lesquelles Jean-François Jalkh, le vice-président et responsable des affaires juridiques du FN, Wallerand de Saint-Just, le trésorier du parti, ainsi que Jeanne et le Front national mais dans ce dossier Marine Le Pen n'a été entendue qu’en tant que témoin assistée. Une seconde procédure porte sur les municipales de 2014 et une troisième sur les régionales de 2015.

Le patrimoine de la famille Le Pen

En leur qualité de député européen, Marine Le Pen et son père doivent transmettre à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) des déclarations de patrimoine dont la sincérité est mise en doute quant à l’évaluation de leur propriété de Montretout, à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). Il serait question de plus d'un million d’euros pour Jean-Marie Le Pen et quelques centaines de milliers d’euros pour sa fille.

Un dossier est ouvert au parquet national financier (PNF) depuis janvier 2016 et le père et la fille ont été entendus sur la valorisation insincère de leur patrimoine. Le JDD croit savoir que le fisc leur réclamerait près de 3 millions d’euros.

Le financement russe

Les difficultés pour trouver des banques prêteuses pour financer ses campagnes ont conduit le Front national à se tourner, en 2014, vers une banque russe pour un emprunt de 9 millions d'euros. Sur la base d’un échange de textos entre un responsable du Kremlin et un proche de Vladimir Poutine, publié par des hackers, Mediapart pense qu’il est possible de faire un lien entre ce prêt russe au FN et le soutien du parti à la politique russe en Ukraine et en Syrie, alimentant la thèse d'un financement du Front national par un État étranger, ce qui est interdit.

Deux parlementaires PS ont lancé, fin 2015, une commission d'enquête parlementaire à propos de cet emprunt russe mais les conclusions ne sont pas encore connues. Le FN est par ailleurs également sous le coup d'une procédure judiciaire en Russie, après la faillite, à l’automne dernier, de la banque qui lui avait octroyé le prêt de 9 millions d’euros, la First Czech-Russian Bank.

 

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