Enregistrement Bettencourt : Une QPC posée par Mediapart rejetée pour manque de « sérieux »

La Cour de cassation a dit n'y avoir lieu à interroger le Conseil constitutionnel quant à la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par Mediapart à l'occasion du pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt de la cour de Versailles lui ordonnant de retirer sous astreinte tous les articles issus des enregistrements réalisés au domicile de Liliane Bettencourt par son majordome.

Sur renvoi après cassationCiv. 1re, 6 oct. 2011, n° 10-21822, Liliane Schueller veuve Bettencourt c/ Hervé Gattegno, Franz-Olivier Giesbert et société d’exploitation de l’hebdomadaire le Point ; n° 10-21823, Liliane Schueller veuve Bettencourt c/ Fabrice Arfi, Fabrice Lhomme, Edwy Plenel et société éditrice de Mediapart., après avoir relevé que le Point et mediapart.fr avaient parfaitement « conscience du caractère illicite de la provenance [des] enregistrements », la cour d'appel de VersaillesVersailles, 4 juill. 2013, n° 12/00157, Liliane Schueller veuve Bettencourt c/ Hervé Gattegno, Franz-Olivier Giesbert et société d’exploitation de l’hebdomadaire le Point ; n° 12/00191, Liliane Schueller veuve Bettencourt c/ Fabrice Arfi, Fabrice Lhomme, Edwy Plenel et société éditrice de Mediapart. s'était bornée à faire sienne la motivation de la juridiction suprême selon laquelle « constitue une atteinte à l’intimité de la vie privée, que ne légitime pas l’information du public, la captation, l’enregistrement ou la transmission sans le consentement de leur auteur des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel », peu importe que les entretiens litigieux concernent principalement « la gestion de [son] patrimoine et que les liens qu’elle entretient [avec Patrice de Maistre] sont de nature professionnelle […] et que les informations ainsi révélées mett[e]nt en cause la principale actionnaire de l’un des premiers groupes industriels français, dont l’activité et les libéralités font l’objet de très nombreux commentaires publics ».

C'est à l'occasion de ce second pourvoi dans le même dossier que cette QPC a été posée par la société éditrice de Mediapart, le directeur de publication, Edwy Plenel, et les deux journalistes en cause, Fabrice Lhomme et Fabrice Arfi, concernant la constitutionnalité des articles 226-1 et 226-2 du code pénal qui méconnaîtraient, était-il soutenu, « le droit à la liberté d'expression garanti par l'article 11 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 en ce qu'ils interdisent, de façon générale et absolue, toute diffusion de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, enregistrées sans le consentement de leur auteur ».

Si la disposition litigieuse est effectivement applicable au litige et n'a pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, reconnaît bien volontiers la première chambre civile de la Cour de cassationCiv. 1re, 5 févr. 2014, n° 13-21929, société éditrice de Mediapart, Edwy Plenel, Fabrice Arfi et Fabrice Lhomme. qui avait à se prononcer sur cette QPC, la question n'est pas « nouvelle » mais, surtout, elle ne présente pas « un caractère sérieux », absence de caractère sérieux qu'elle développe longuement en rappelant sa propre jurisprudence selon laquelle le droit de toute personne au respect de sa vie privée recouvre notamment « l'usage précis que chacun fait des éléments de sa fortune, sauf son consentement établi à une divulgation ».

S'agissant plus particulièrement des dispositions critiquées des articles 226-1 et 226-2 du code pénal, poursuit la Cour, il s'agit de dispositions de droit commun et non de dispositions relatives au droit de la presse qui « loin de présenter une portée générale et absolue, laiss[ent] déjà hors de leur domaine les interceptions de conversations opérées à de strictes conditions légales par les autorités publiques en charge de la lutte contre le crime » et régissent seulement « la captation et la diffusion, par des particuliers et à l'insu de leur auteur, de propos relatifs à sa vie privée ».