Entretien : « Changer l’image de l’hôpital »

Le CHU de Lyon a rendu publique aujourd’hui la diffusion d’un clip promotionnel et participatif vantant les mérites de l’hôpital. Objectif : recruter. Un mode de communication original — et critiqué —, commenté par Fanny Fleurisson, directrice des ressources humaines de l’hôpital, à l’origine du projet.
Lextimes.fr : Quels étaient vos objectifs en tant que directrice des ressources humaines en lançant ce projet de lipdub ?
Fanny Fleurisson : Nous avions deux objectifs. Le premier, interne, consistait à vouloir fédérer les équipes et décloisonner. Nous sommes un hôpital pavillonnaire, donc les personnes qui y travaillent ne font souvent que se croiser, et ne nouent pas forcément de liens. Le but était donc de les faire se rencontrer autour d’un projet original et commun. Notre second objectif, qui est plutôt externe, était de faire savoir que nous recrutons des infirmiers et des infirmiers spécialisés. Le but était aussi de changer un peu l’image de l’hôpital que l’on peut avoir, d’en renvoyer une un peu plus moderne, adaptée à l’air du temps.
N’est-ce pas un peu provocateur de réaliser un clip promotionnel alors que les syndicats dénoncent le manque d’effectifs, la suppression des primes de nuit, etc… ?
Loin de nous l’idée de faire un reportage sur le quotidien d’un hôpital tel que le notre, sur les difficultés du quotidien à la fois pour le personnel et les patients. Nous ne souhaitons pas du tout les nier. Pour autant, nous montrons une autre réalité qui existe aussi, et qui est celle d’une équipe composée de 119 professionnels de l’établissement, qui ont souhaité montrer leur réalité. Ce n’est pas du tout une provocation, moi je vais régulièrement à la rencontre des équipes pour discuter avec eux des contraintes budgétaires qui existent dans notre hôpital, comme dans la plupart des hôpitaux français. Je pense qu’il ne faut pas se tromper de débat : à l’heure actuelle, nous avons 33 postes d’infirmiers vacants, c’est une réalité. Et si justement on parvient à pourvoir ces 33 postes, je pense que les conditions de travail en seront nettement améliorées.
Pourquoi avoir choisi ce support de communication plutôt qu’un autre, plus traditionnel ?
On s’est inspiré du lipdub qui a été réalisé par le CHU de Montréal en 2008, qui avait le même objectif d’améliorer l’attractivité de l’hôpital pour recruter. Et ils ont reçu plus de 5 000 candidatures ! Ils ont ainsi réussi à pourvoir l’ensemble de leurs postes vacants. Et puis, on a discuté avec beaucoup de personnes qui travaillaient à Edouard Herriot et on s’est rendu compte que c’était un moyen de communication qui était adapté aux jeunes générations, qui leur parlait. Nous avons fait le choix de ne pas faire au sens strict du terme un lipdub, mais plutôt un clip. Grâce à ce clip, nous avons permis aux 119 professionnels d’être participatifs : c’est eux qui ont choisi les endroits où on allait tourner le clip, c’est eux qui ont écrit le scénario, les paroles, c’est eux qui ont chanté.
Il y a eu effectivement Montréal en 2009, mais il y avait déjà eu aussi le lipdub du CHU de Limoges en 2008. Pensez-vous que ce mode de communication va se pérenniser dans la fonction publique ?
C’est presque une question de société… A Limoges, c’était un clip réalisé sans faire appel aux personnels volontaires, ils avaient identifié 40 personnes environ sans faire appel au volontariat et leur clip n’avait pas vocation à être diffusé à l’extérieur. C’était un clip qui avait été réalisé pour clôturer une soirée destinée aux étudiants infirmiers. Ils n’ont pas fait le choix de faire appel à une société spécialisée en la matière. Nous, nous avons fait au contraire le choix de dédier un budget de 13 000 euros à ce clip, issu pour partie de notre enveloppe pour le plan de formation et la thématique de l’attractivité et de l’accueil et pour partie de la direction de la communication. En aucun cas, nous n’avons constitué le budget au détriment d’une embauche de personnel.
Avez-vous déjà des résultats depuis la diffusion du lipdub ?
Depuis l’officialisation du clip, nous avons déjà eu une dizaine de candidatures, c’est plus que ce qu’on pouvait espérer pour un premier jour. Et je pense que si les résultats sont favorables, d’autres établissements se lanceront certainement dans cette belle aventure.
Selon le syndicat Sud, « c’était mal vu de participer » au lipdub. Le clip n’a-t-il pas aussi divisé le personnel, contrairement à son objectif premier qui était de fédérer ?
Je tiens à préciser qu’il n’y a qu’un seul syndicat qui a des interrogations, des critiques par rapport au concept même de réalisation d’un clip. Mais je ne peux pas partager ce niveau d’analyse car justement le clip a la volonté de recruter sur les postes vacants que nous avons sur la filière soignante. C’est donc un objectif louable. Après, on n'a forcé personne à participer au clip, les 119 professionnels qui l’ont fait ont tous été enchantés par cette aventure, certains parlant même de véritable rayon de soleil lorsqu’ils venaient aux différents ateliers. Maintenant, quelque soit l’action que l’on mène, il y aura toujours des personnes qui critiqueront.
Donc vous n’avez pas de doute quant à l’effet positif d’une telle démarche ?
Non je n’en ai aucun, après je n’ai aucun doute non plus sur le fait qu’on sera critiqué. On ne cherche pas à faire l’unanimité de toute façon, on cherche juste à faire savoir que l’on recrute, puisque c’est une réalité : on recrute des infirmiers et des infirmiers spécialisés.