Fermeture comptes FN : La banque de France n’a relevé ni irrégularité ni discrimination

Société générale, Marie Le Pen. Photomontage.

Société générale et sa filiale Crédit du Nord n'ont enfreint ni la réglementation en vigueur ni discriminé le parti en clôturant avec un préavis de 60 jours les 17 comptes du Front national (FN) ou de certaines fédérations et celui de son mandataire financier, estime la Banque de France saisie à la fois par le trésorier du parti frontiste Wallerand de Saint-Just et par le ministre de l’économie et des finances Bruno Le Maire.

« Les clôtures de comptes du Front national ne paraissent pas traduire un dysfonctionnement des banques au regard de leurs obligations réglementaires, et ne laissent pas supposer de discrimination », assure la banque centrale dans un document de quatre pages daté d’hier et diffusé ce matin, sans avoir « enclencher d’enquête formelle » et en se basant uniquement sur « une analyse précise des faits et du contexte politique » appuyée sur « des contacts oraux » avec M. de Saint-Just et les deux banques concernées (SoGen et HSBC), et « le compte ouvert selon la procédure du droit au compte fonctionne conformément à la loi même si le dispositif ne suffit pas à couvrir les besoins exprimés par le Front national ».

Les deux questions auxquelles avait à répondre l’organe de supervision bancaire était en effet de savoir, d’une part, si les clôtures de comptes ont respecté le cadre réglementaire applicable aux établissements de crédit et, d’autre part, si le nouveau compte ouvert au titre du droit au compte fonctionne conformément à la loi.

Toutes les banques ont le droit de fermer un compte à durée indéterminée
Banque de France, Éléments d'information sur la situation des comptes bancaires du Front national, 27 nov. 2017.

Aucune fatwa bancaire. « Toutes les banques, rappelle la banque centrale, ont le droit en France de fermer un compte à durée indéterminée quand elles ne souhaitent plus maintenir une relation commerciale avec leurs clients ». Ce droit, qui n’est que l’application aux comptes bancaires des principes fixés par l’article 1211 du code civil applicables à l’ensemble des contrats à durée indéterminée, est pour les établissements de crédit soumis à « un préavis de deux mois », en application de l’article L. 311-1-1 III du code monétaire et financier.

Dans l’hypothèse où la décision de clôturer un compte serait liée à « la conformité aux dispositifs mis en place par les établissements pour gérer leur approche par les risques, comme dans le domaine de la lutte antiblanchiment », poursuit la banque de France, les établissements sont alors soumis à « des obligations très strictes de confidentialité » ne permettant pas la désignation d’un médiateur dont la mission est de traiter uniquement des litiges commerciaux et il est normal qu’il se déclare incompétent pour « traiter une réclamation sur la fermeture d’un compte », précisant qu’elle n’a pas pris attache avec Tracfin — compétent dans le domaine de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme — qui est placé sous l’autorité du ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, et à qui il appartient de faire ces éventuelles investigations.

Pour ce qui est de la procédure de droit au compte pour les partis politiques, elle est, révèle l’organe de tutelle, « très exceptionnelle ». En fait, seules quelques formations politiques locales, indique-t-elle, ont eu jusqu’à présent besoin de la saisir. « Jamais un parti de l’importance et la notoriété du Front national n’a été concerné à ce jour » par cette procédure créée en 1984, et codifiée à l’article L. 312-1 du code monétaire et financier, principalement pour les particuliers qui représentent l’essentiel des 66 715 cas traités en 2016.

S’agissant du parti, la banque de France précise qu’il dispose au Crédit du Nord, jusqu’au 26 décembre 2017, du compte de dépôt dénoncé le 26 octobre 2017 et que le droit au compte ne pourra être « mis en œuvre [qu’]en décembre pour assurer la bancarisation du Front national » mais ce droit au compte, explique-t-elle, ne peut être exercé que par les personnes morales ou physiques et il ne pourra donc pas être mis en œuvre pour les fédérations territoriales du parti qui n’ont pas, elles-mêmes, la personnalité morale. Pour le mandataire financier, en revanche, la procédure de droit au compte au nom du trésorier a été mise en œuvre dès le 7 novembre 2017 par l’ouverture d’un compte au Crédit du Nord, désigné à sa demande et rien ne s’y opposait, indique la banque de France, « juridiquement » et « en opportunité ». Quant à la fermeture annoncée par HSBC du compte personnel détenu par la présidente frontiste Marine Le Pen, évoqué devant la presse comme « un autre cas de discrimination », cette dernière n’a pas encore fait valoir son droit au compte, apprend-on.

Un élargissement des services bancaires de base relève de la discussion bilatérale

Dans le cadre du droit au compte pour le mandataire financier, le Crédit du Nord est tenu d’offrir gratuitement : l’ouverture, la tenue et la clôture du compte, un changement d’adresse par an, un relevé d’identité bancaire, la domiciliation de virements bancaires, un relevé mensuel des opérations effectuées, l’encaissement de chèques et virements bancaires, les dépôts et retraits en espèces au guichet et dans ses distributeurs, les paiements par prélèvements, TIP ou virements, la consultation à distance du compte, une carte bancaire avec autorisation pour chaque opération et deux chèques de banque par mois. Et au cas particulier, la banque de France ne relève aucun point négatif, le Crédit du Nord ayant effectué « la procédure d’ouverture avec diligence » et « la totalité des services bancaires de base » étant mis à disposition du bénéficiaire du droit au compte.

Les besoins du Front national sont supérieurs (pouvoir émettre des chèques, procéder à l’encaissement de dons et cotisations via internet par carte bancaire et opérer des prélèvements automatiques sur les comptes des élus reversant au parti une partie de leurs indemnités) à ceux des services bancaires de base et sur ce point, il ne lui appartient pas, indique la banque de France, de « se prononcer sur une éventuelle adaptation […] dans le sens d’un possible élargissement des services s’agissant d’un parti politique » qui relève de la « discussion bilatérale entre [le FN] et [la banque désignée] » mais n’y voit qu’aucune « objection » sous réserve que « toutes les dispositions législatives et réglementaires relatives au fonctionnement sur ces comptes continuent naturellement à être appliquées avec la plus grande vigilance, par toutes les parties ».