Financement AJ : Le rapport Le Bouillonnec explore une douzaine de pistes

Aide juridictionnelle

Manuel Valls a demandé à la ministre de la justice Christiane Taubira d'engager une « concertation » avec les avocats pour réformer le financement de l'aide juridictionnelle (AJ) sur la base des propositions du rapport du député PS Jean-Yves Le Bouillonnec, a annoncé Matignon jeudi.

Soulignant que l'AJ est actuellement « à bout de souffle », ce rapport« Financement et gouvernance de l'aide juridictionnelle : À la croisée des fondamentaux — Analyse et propositions d'aboutissement », Jean-Yves Le Bouillonnec, sept. 2014, 51 p., rendu public par le ministère de la justice, avait été demandé début juillet par Manuel Valls pour réformer le système d'aide juridictionnelle. Celle-ci permet de prendre en charge les frais de justice des citoyens les plus modestes. Il avait été confié à M. Le Bouillonnec à la suite de plusieurs manifestations d'avocats, qui s'opposaient à un projet initial de remise à plat prévoyant la taxation de tout ou partie des cabinets d'avocats.

Dans son rapport, le député PS passe au crible une douzaine de pistes de financement hors budget général de l'État pour diversifier le financement de l'aide juridictionnelle. Parmi elles figurent une participation des avocats, de l'ensemble des professions du droit, une majoration de la taxe forfaitaire collectée par les huissiers de justice, une contribution des assureurs ou encore une augmentation des droits d'enregistrement sur les actes juridiques.

Dans son projet de budget 2015, le gouvernement a déjà retenu trois nouvelles sources de financement qui devraient permettre de lever l'an prochain 43 millions d'euros. Le projet de loi de finances prévoit ainsi une hausse de « la taxe spéciale sur les contrats d'assurance de protection juridique », du « droit fixe de procédure pénale », payé par les personnes condamnées, et de « la taxe forfaitaire sur les actes d'huissiers de justice ».

Selon le président du Conseil national des barreaux (CNB), Jean-Marie Burguburu, 25 millions proviendront des contrats d'assurance, 7 millions des paiements des personnes condamnées et 11 millions sur la taxe sur les actes d'huissier. Au total, l'enveloppe globale de l'AJ augmente de 10 % dans le budget 2015, passant de 345 à 379 millions d'euros.

Dans un communiqué, la garde des sceaux s'est réjouie de « la pertinence du travail accompli » par le député Le Bouillonnec, « sur un sujet complexe mais essentiel pour l'accès à la justice des plus démunis et d'une partie des classes moyennes ». Elle indique que « l'effort budgétaire important » consenti par l'État pour l'accès au droit est « également un appel à la responsabilité ». La ministre constate que le rapport souligne une forte disparité dans la prise en charge des missions rémunérées par l'AJ, avec 7 % des avocats réalisant 57 % des missions et 58 % n'y participant jamais. « Cela pose nécessairement la question d'une solidarité entre barreaux pour répartir l'effort et les ressources », dit Christiane Taubira qui s'engage à « engager sans tarder une concertation constructive avec la profession d'avocats à partir des propositions du rapport ».

Le CNB reconnaît que ce rapport comporte « des préconisations positives sur de nouvelles sources de financement et une volonté affirmée de réformer en profondeur le système de l’aide juridictionnelle » mais a adopté une résolution lors de son assemblée générale des 10 et 11 octobre 2014 s'opposant à ce que l’ouverture de négociations avec le gouvernement soit « conditionnée à la mise en place d’une inenvisageable "contribution de solidarité volontaire obligatoire" prélevée sur les barreaux » et exigeant « l’ouverture immédiate et sans condition de la concertation entre la profession et la Chancellerie ».