François Hollande : Moi président de la République, je réglerai mon coiffeur moi-même

François Hollande protégeant sa mise en pli.
François Hollande protégeant sa mise en pli.

Révélée dans un ouvrage paru au mois d'avril dernier, l'information concernant le salaire mirobolent du coiffeur du chef de l'État était passée quasi inaperçue jusqu'à ce qu'elle soit reprise dans la dernière livraison du Canard Enchaîné qui publie un extrait du contrat de travail d'Olivier B.

Dans un ouvrage consacré aux « secrets, trahisons et coups tordus au palais » intitulé l'Élysée off (Fayard, avril 2016, 216 p., 17 €), les journalistes Stéphanie Marteau (indépendante) et Aziz Zemouri du Point avaient déjà révélé que les prestations du coiffeur à disposition de l'Élysée, 12 mois par an, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, coûtaient 8 000 euros par mois à la Nation sans qu'il soit toutefois précisé s'il s'agissait de brut ou de net.

Bien qu'elle n'ait pas l'objet d'une large couverture médiatique, l'information avait quand même était reprise, dès le lendemain de la publication du livre, le 21 avril 2016, par le Point qui en assurait la promotion comme il est d'usage en pareil cas mais avait, aussi, notamment, été relayée, dès le surlendemain, par Atlantico et Vanity Fair sans déplacer ou y ajouter une virgule.

C'est toutefois la couverture qu'en fera Closer qui va conduire le coiffeur à se lancer dans une procédure judiciaire devant le tribunal de Nanterre et produire à cette occasion son contrat de travail qui arrivera dans les mains de l'hebdomadaire satirique qui en publie un extrait à l'appui de ses dires.

On apprend ainsi qu'il s'agit d'un contrat à durée déterminée (CDD) de 5 ans pour la somme brute mensuelle de 9 895 euros mais compte tenu d'une mise à disposition permanente non-stop diurne et nocturne, il s'agit en réalité non pas d'un contrat à plein temps voire à double temps mais bien d'un contrat à quintuple temps de 8 760 heures par an [365 jours x 24 heures/jour] contre 1 668 heures par an environ pour un contrat à plein temps classique normal tout-à-fait ordinaire, ce qui ramène, en fait, le salaire brut mensuel à seulement 1 979 euros [9 895 : 5], majorations pour heures supplémentaires (soirs, nuits, week-ends, jours fériés,...) et pour pénibilité (travail de nuit, manipulation fréquente de produits dangereux tel l'ammoniaque pour colorer les racines des cheveux plusieurs fois par semaine,...) incluses mais auquel s'ajouteront, en fin de contrat, l'indemnité de précarité de 10 % spécifique aux CDD pour un montant de 59 370 euros [9 895 € x 60 mois x 10 %] et une indemnité compensatrice de congés payés, également de 10 %, du fait que le salarié n'a pas été en mesure de prendre un seul jour de congé pendant toute la période considérée.

Au-delà de toutes les problématiques juridiques (durée du CDD au-delà de la limite légale de 18 mois, durée de travail quotidienne et hebdomadaire nettement au-delà de la limite légale,...) que soulève ce contrat hors normes requalifiable en contrat à durée indéterminée (CDI), il pourrait par ailleurs s'agir ni plus ni moins d'un abus de biens sociaux ou, au mieux, compte tenu des fonctions exercées par l'employeur à prendre en considération et pour en rester sur le seul plan civil et fiscal, d'avantages en nature à réintégrer partiellement voire en totalité.

On se rappelle en effet que, moi président de la République, disait-il, le 2 mai 2012, lors d'un débat avec son prédécesseur, je ne serai pas le chef de la majorité, je ne recevrai pas les parlementaires de la majorité à l'Élysée.
Moi président de la République, je ne traiterai pas mon Premier ministre de collaborateur.
Moi président de la République, je ne participerai pas à des collectes de fonds pour mon propre parti, dans un hôtel parisien.
Moi président de la République, je ferai fonctionner la justice de manière indépendante, je ne nommerai pas les membres du parquet alors que l'avis du Conseil supérieur de la magistrature n'a pas été dans ce sens.
Moi président de la République, je n'aurai pas la prétention de nommer les directeurs des chaînes de télévision publique, je laisserai ça à des instances indépendantes.
Moi président de la République, je ferai en sorte que mon comportement soit en chaque instant exemplaire.

Débat François Hollande/Nicolas Sarkozy, 2 mai 2012, France 2.

Moi président de la République, j'aurai aussi à cœur de ne pas avoir un statut pénal du chef de l’État ; je le ferai réformer, de façon à ce que si des actes antérieurs à ma prise de fonction venaient à être contestés, je puisse dans certaines conditions me rendre à la convocation de tel ou tel magistrat ou m'expliquer devant un certain nombre d'instances.
Moi président de la République, je constituerai un gouvernement qui sera paritaire, autant de femmes que d'hommes.
Moi président de la République, il y aura un code de déontologie pour les ministres, qui ne pourraient pas rentrer dans un conflit d'intérêts.
Moi président de la République, les ministres ne pourront pas cumuler leur fonction avec un mandat local, parce que je considère qu'ils devraient se consacrer pleinement à leur tâche.
Moi président de la République, je ferai un acte de décentralisation, parce que je pense que les collectivités locales ont besoin d'un nouveau souffle, de nouvelles compétences, de nouvelles libertés.
Moi président de la République, je ferai en sorte que les partenaires sociaux puissent être considérés, aussi bien les organisations professionnelles que les syndicats, et que nous puissions avoir régulièrement une discussion pour savoir ce qui relève de la loi, ce qui relève de la négociation.
Moi président de la République, j'engagerai de grands débats, on a évoqué celui de l'énergie, et il est légitime qu'il puisse y avoir sur ces questions-là de grands débats citoyens.
Moi président de la République, j'introduirai la représentation proportionnelle pour les élections législatives, pour les élections non pas de 2012, mais celles de 2017, car je pense qu'il est bon que l'ensemble des sensibilités politiques soient représentées.
Moi président de la République, j'essaierai d'avoir de la hauteur de vue, pour fixer les grandes orientations, les grandes impulsions, mais en même temps je ne m'occuperai pas de tout, et j'aurai toujours le souci de la proximité avec les Français.

Certes, François Hollande n'a pas, le 2 mai 2012, expréssement dit « Moi président de la République, je m'engage à régler moi-même mon coiffeur, ma maquilleuse, mon esthéticienne, ma manicure, ma pédicure, ma masseuse » et toutes les péripapéticiennes dont il aurait eu peu ou prou avoir, le cas échéant, besoin pour se sentir au mieux de sa forme pour la fonction convoitée mais il n'empêche que cette seizième anaphore était largement sous-entendue, implicite et certaine pour la majorité des Fançais de la part d'un éventuel président « normal ».

Car, bien évidemment, on attend d'un président de la République « normal », sans qu'on ait trop à le pousser ou à le lui demander, pour le lui faire comprendre que l'exemplarité exige qu'il paie son coiffeur — et tous ses autres petits besoins personnels — de ses deniers propres qu'il ait réduit ou non son « salaire ».

Et à ce propos, l'interview accordée à l'occasion de ce 14 juillet laisse perplexe et songeur quant à la définition de l'exemplarité que le chef de l'État semble faire sienne. M. François Hollande considère, en effet, qu'il est « moralement inacceptable » que José Manuel Barroso, ancien président de la Commission européenne, aille travailler, comme le lui autorisent les textes communautaires 18 mois après avoir cessé son mandat, pour la banque américaine Goldman Sachs mais, en revanche, interrogé sur le salaire exorbitant de son coiffeur personnel payé par la Nation, il esquive en se défendant : « J'ai fait diminuer le budget de l'Élysée. J'ai supprimé 10 % des effectifs ». Il rappelle aussi que son salaire « a baissé de 30 % » et finit par feindre l'agacement : « On peut me faire tous les reproches, sauf celui-là ».

En fait d'agacement, dans d'autres contrées voisines, démocratiques, notamment nordiques, c'est la démission qui se serait imposée sans avoir à la demander. Ici, tout au plus, ce que l'on peut espérer — si Dieu, Mediapart et le Monde veulent bien y prêter une main forte et énergique — c'est peut-être une restitution ou un léger redressement fiscal.