Gilets jaunes : Un traitement policier et judiciaire d’exception ?

Au quatrième mois de mobilisation du mouvement des gilets jaunes, le Syndicat des avocats de France (SAF, gauche) dénonce le « traitement judiciaire » subi par les gilets jaunes qui sont « déjà soumis » à des « violences policières sans équivalent dans l'histoire récente des mouvements sociaux », selon des avocats du syndicat assistant des manifestants placés en garde à vue ou comparaissant devant les tribunaux correctionnels.
Parallèlement aux violences policières qui « discréditent définitivement » la doctrine française du « maintien de l'ordre » s'ajoutent à présent, selon le syndicat, les « violences judiciaires » commises « dans le cénacle moins "engazé" » mais « finalement tout aussi anxiogène des tribunaux ».
Les parquetiers requièrent en effet, sur ordre de la garde des sceaux Nicole Belloubet, conformément à la circulaire du 22 novembre 2018 qui constituait déjà un « appel à une répression pénale plus sévère » par de lourdes peines de prison à l'encontre de tout « prévenu assimilable, de près ou de loin, à un "gilet jaune" », de la prison sans sursis pour les primo-délinquants, des mandats de dépôt, de lourdes amendes, des interdictions de manifester et des interdiction des droits civiques privant ainsi les intéressés du droit de vote aux prochaines élections.
Les tribunaux leur donnent « trop souvent » satisfaction, se plaignent les avocats du SAF qui disent avoir constater que les dossiers sont « très souvent » vides et ou approximatifs et citent, en exemple, une absence quasi systématique de procès-verbal d'interpellation qui est remplacé par une « fiche de mise à disposition, sorte de QCM, dont bien souvent n'est versé au dossier que le recto », des condamnations massives pour « participation à un groupement en vue de la préparation de violences et de destructions ». Une infraction « tarte à la crème », selon le syndicat, qui permettrait de condamner des manifestants pour leur « simple participation à la manifestation » dès lors qu'ils ont été interpellés « à un moment de tension avec les forces de l'ordre ».
Des peines complémentaires d'interdiction de manifester seraient par ailleurs prononcées alors même, explique le SAF, que l'article L. 211-13 du code de la sécurité intérieure limite à des infractions très précises la possibilité de prononcer une telle peine. De 1995 à octobre 2018, est-il rappelé, seules 33 personnes auraient fait l’objet d’une condamnation à une peine complémentaire d'interdiction de manifester alors que depuis le mois de novembre dernier, plusieurs centaines de gilets jaunes auraient été condamnés à cette peine complémentaire sans toutefois préciser s’il s’agit réellement de « gilets jaunes » ou de « casseurs » patentés.
Selon le syndicat, les procédures sont menées en un « temps record » et répondent à « un double objectif » consistant à augmenter le nombre de déferrements / condamnations et à « neutraliser » les gilets jaunes et estime que cette « violence judiciaire » marque « une nouvelle dérive dans la criminalisation d'un mouvement social » laquelle ne fera qu' « abimer davantage la confiance des citoyens dans leur Justice ».