Gouvernement : Urvoas remplace Taubira qui démissionne

Christiane Taubira. Photo profil Twitter.

La garde des sceaux Christiane Taubira, opposée à la réforme constitutionnelle de la déchéance de nationalité, a remis sa démission à François Hollande, qui a nommé le député du Finistère Jean-Jacques Urvoas pour la remplacer, a-t-on appris mercredi matin auprès de l'Élysée.

François Hollande et Christiane Taubira « ont convenu de la nécessité de mettre fin à ses fonctions au moment où le débat sur la révision constitutionnelle s'ouvre à l'Assemblée nationale, [mercredi] en Commission des Lois », écrit l'Élysée dans un communiqué. Mme Taubira « aura mené avec conviction, détermination et talent la réforme de la Justice et joué un rôle majeur dans l'adoption du mariage pour tous », a salué François Hollande.

Parfois résister c'est rester, parfois résister c'est partir. Par fidélité à soi, à nous. Pour le dernier mot à l'éthique et au droit. ChT

 « Parfois résister c'est rester, parfois résister c'est partir. Par fidélité à soi, à nous. Pour le dernier mot à l'éthique et au droit », a pour sa part tweeté Mme Taubira. L'ex-députée de Guyane s'est dite « fière » de son action Place Vendôme depuis 2012. Elle a notamment fait adopter au parlement la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe. « La Justice a gagné en solidité et en vitalité. Comme celles et ceux qui s'y dévouent chaque jour, je la rêve invaincue », écrit-elle.

Fière. La Justice a gagné en solidité et en vitalité. Comme celles et ceux qui s'y dévouent chaque jour, je la rêve invaincue. ChT

Proche de Manuel Valls, spécialiste des questions de sécurité, M. Urvoas (56 ans) est l'actuel président de la Commission des lois de l'Assemblée nationale. Il était à ce titre chargé d'une mission pour trouver une solution à la réforme constitutionnelle de la déchéance de nationalité, à laquelle Mme Taubira s'était publiquement opposée à plusieurs reprises. M. Urvoas « portera, aux côtés du premier ministre, la révision constitutionnelle et préparera le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé et la réforme de la procédure pénale », indique l'Élysée.

Manuel Valls doit défendre mercredi matin devant la commission des lois de l'Assemblée la réforme constitutionnelle voulue par François Hollande après les attentats de novembre. Celle-ci prévoit la constitutionnalisation de l'état d'urgence, décrété le 13 novembre et dont l'exécutif envisage par ailleurs la prolongation pour trois mois, et l'inscription dans la constitution de la déchéance de nationalité pour les binationaux nés Français et condamnés pour crime terroristes. Mais ce dernier point suscite une forte opposition, notamment à gauche, et l'exécutif envisage de retirer la référence à la binationalité du projet de loi constitutionnel.

De nombreux élus de gauche ont rendu hommage à Christiane Taubira, saluant son « courage » et lui témoignant « respect » et « affection » après sa démission du gouvernement, qui marque pour d'autres un nouveau« rétrécissement » de la majorité. « Respect pour @ChTaubira avec qui j'ai travaillé en amitié et confiance », a tweeté le président du groupe PS à l'Assemblée Bruno Le Roux.

Partis du gouvernement en août 2014, en raison de leur désaccord avec le premier ministre Manuel Valls, les anciens ministres Aurélie Filippetti et Benoît Hamon ont aussi salué son choix. « Un seul mot : bravo ! Hommage au talent immense, au travail et à l'engagement de @ChTaubira qui marquera l'histoire du @justice_gouv », a tweeté l'ancienne ministre de la Culture. L'ancienne ministre EELV Cécile Duflot, qui avait quitté le gouvernement dès mars 2014, a salué « la décision de courage et de conviction de @ChTaubira : la fidélité à nos valeurs est une force ». D'autres, comme l'ancienne compagne du président de la République Valérie Trierweiler, ont choisi de rendre plus particulièrement hommage à celle qui a défendu sous les lazzis de la droite la loi légalisant le mariage pour les homosexuels. « Je veux saluer le courage et l'éloquence avec lesquels @ChTaubira a porté l'avancée du mariage pour tous, une des grandes promesses de 2012 », a salué la maire de Paris Anne Hidalgo.

Au-delà de ses hommages, plusieurs voix ont souligné que la démission de Mme Taubira signifiait un nouveau rétrécissement de l'assise politique du gouvernement. « Démission de @ChTaubira : le Titanic gouvernemental s'enfonce un peu plus sur tribord », a tweeté le coordinateur du Parti de gauche Eric Coquerel. Pour le député PS frondeur Laurent Baumel, ce départ est un« symptôme de plus, important, du rétrécissement de la majorité politique et de la base gouvernementale issue de 2012, après Montebourg-Hamon, la fronde au Parlement, le nouveau front désormais sur les sujets de société touchant l'identité de la gauche »« François Hollande aura fracturé la gauche d'un bout à l'autre », a-t-il commenté.

D'autres encore préfèrent penser aux combats futurs que pourrait mener l'égérie de la gauche. « Je souhaite que ce soit un commencement, le commencement d'un travail politique collectif avec une femme comme Christiane et avec d'autres qu'on connaît à gauche, qui ne sont pas seulement au Parti socialiste », a déclaré au micro de RMC M. Hamon.

Manuel Valls a également « salué l'action de Christiane Taubira » au ministère de la justice, sans développer davantage, en introduction de sa présentation de la révision constitutionnelle devant la commission des Lois. « Je veux à mon tour saluer l'action de Christiane Taubira », a-t-il dit, après avoir rendu un hommage appuyé au nouveau garde des sceaux, Jean-Jacques Urvoas, qui a travaillé sur la réforme constitutionnelle en tant que président de la commission des Lois.« Je veux saluer l'action de Jean-Jacques Urvoas qui a été nommé ce matin ministre de la justice, garde des sceaux et dont chacun connaît la rigueur intellectuelle mais aussi l'indépendance et la cohérence », a déclaré le chef du gouvernement à propos de ce proche.