Greffiers tribunaux de commerce : Quelques vérités sur le GIE Infogreffe par lui-même

LexTimes.fr a été destinataire, comme d'autres médias, d'un communiqué du GIE Infogreffe souhaitant « apporter quelques éléments d’appréciation mais également rétablir quelques vérités, notamment quant à la gratuité d’Infogreffe, en réponse à de nombreux articles issus d’une dépêche de l’AFP » que nous publions intégralement.

Les propos tenus par le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique la semaine dernière démontrent une méconnaissance totale de la répartition actuelle des rôles entre les greffiers, leur G.I.E. Infogreffe et l’Institut national de la propriété industrielle (INPI).

Aujourd’hui, les greffiers des tribunaux de commerce tiennent le Registre du commerce et des sociétés, sous la surveillance d’un juge et sous leur responsabilité. Ils effectuent un contrôle juridique de fond qui apporte une sécurité aux informations qui sont ensuite portées à la connaissance du public, notamment par la délivrance d’extraits d’immatriculation audit registre, dénommés « Kbis ». Ces derniers constituent la carte d’identité de chaque entreprise et sont signés par le greffier sous le sceau de la République.

En parallèle, depuis septembre 2012, les greffiers adressent par voie électronique un double des déclarations susvisées à l’INPI qui les archive. Cet archivage était réalisé, avant septembre 2012, au format papier. Si ce double archivage, dans les greffes et à l’INPI, se justifiait auparavant, à l’heure du numérique, il n’a plus de sens.

En effet, tous les greffes des tribunaux de commerce se sont regroupés en G.I.E. pour mettre en commun des moyens considérables permettant de construire un service public en ligne efficace, en constante adaptation et ce, quelle que soit la zone géographique. Financées par leurs propres soins, ces services permettent un archivage électronique qui est redondé sur trois infrastructures : au greffe, sur un site distant et auprès de leur G.I.E. Infogreffe qui centralise l’ensemble des informations des 134 greffes.

Or, à ce jour, le système du double archivage effectué par l’INPI pèse pour 25 millions d’euros chaque année sur les entreprises. Ces 25 millions correspondent, d’une part, à la taxe versée par les entreprises, et collectée par les greffiers pour le compte de l’INPI à qui elle est ensuite reversée, soit 14 millions d’euros, et la somme des émoluments perçus par les greffiers pour la transmission du double des déclarations à l’INPI, soit 11 millions d’euros.

Force de ce constat notre profession a donc formulé deux propositions : 

  • simplifier l’organisation actuelle en supprimant ce rôle de centralisation par l’INPI, qui ne se justifie plus au plan opérationnel, 
  • confier aux greffiers un rôle de diffusion des données (issues des actes), à titre gratuit, dans un format ouvert et interopérable (open data).

Ces propositions ne sont pas neutres pour notre profession puisqu’elles viendraient à supprimer une ressource de 11 millions, mais elles permettent d’aider la croissance et l’activité.

Et pourtant, l’article 19 de la loi intitulée « croissance et activité », adopté ce 4 février 2015 par les députés, maintient une situation anormale et injuste pour les entreprises. En effet, cet article prévoit désormais que les données des entreprises soient transmises, gratuitement, par les greffiers à l’INPI, en complément des déclarations déjà adressées à ce jour, pour que celui-ci les diffuse ensuite à titre gratuit. 

Cet article ne signifie en aucun cas que le Registre du commerce et des sociétés devient gratuit. Les actes délivrés par les greffiers via leur G.I.E. Infogreffe restent soumis au tarif réglementé par le ministère de la justice.

Aujourd’hui l’INPI ne dispose d’aucune compétence, ni technique, ni juridique, pour diffuser ces données puisqu’il a confié, depuis 2009, au G.I.E. Infogreffe la diffusion des données du Registre national du commerce et des sociétés (RNCS) via des licences qu’il commercialise. 

Si la volonté du gouvernement est évidemment positive, nous sommes convaincus qu’il n’a pas choisi le bon cheval. Et d’ailleurs, deux institutions vont dans ce sens : 
1/ La Cour des comptes qui a rappelée dans son récent référé au sujet de l’INPI que ses actions devaient être conduites en priorité sur la réalisation du brevet européen et sa réussite,
2/ L’Autorité de la concurrence qui a suggéré, dans son avis du 9 janvier 2015 sur les professions juridiques réglementées, de reconsidérer la répartition des rôles à propos du RNCS. L’Autorité a ainsi proposé de supprimer la taxe INPI et la rémunération perçue par les greffiers pour son alimentation, et de confier la mission de diffusion du RNCS au G.I.E. Infogreffe, à titre gratuit.

Le G.I.E. Infogreffe n’y est pas opposé contrairement à ce qu’a laissé entendre le ministre à notre égard. Lorsque le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique indique que les « investissement ont été financés — voire sur-financés — et amortis », il insinue que les greffiers des tribunaux de commerce œuvrent pour leurs propres intérêts et non l’intérêt général. Cette affirmation est fausse et nous ne pouvons l’accepter !

La constitution de ce G.I.E. par les greffiers a permis d’offrir un service public efficace et répondant aux attentes des utilisateurs. Chaque année les greffiers investissent dans une recherche permanente de développement des services au bénéfice des entreprises et du justiciable. 

Ces investissements portent sur l’accès à l’information légale sur les entreprises immatriculées au RCS et les services de formalités et de dépôt au RCS en ligne. Et au-delà des entreprises, notre G.I.E. permet de doter les juridictions commerciales, qui ne disposent d’aucun budget, d’outils innovants tels qu’un portail pour les représentants du ministère public, pour les juges, pour les avocats,… au service d’une justice efficace, rapide et sûre. Cet équilibre global est nécessaire pour la justice et le monde des affaires. Dépeindre notre G.I.E. comme une « aberration » est insultant et méprisant pour le travail accompli par les greffiers et leurs 1800 collaborateurs.

Monsieur le ministre précise encore : « Parce qu’ils ont décidé de constituer un G.I.E., ils bénéficient d’une situation de monopole qui n’est en aucun cas couverte par le droit ». Est-il besoin de rappeler que ce G.I.E. a été constitué en application de l’article R.741-5 du code de commerce placé sous le chapitre intitulé « De l’institution et des missions » [du greffe du tribunal de commerce] ?

Et Monsieur Macron d’ajouter : « Les informations disponibles [au sujet du G.I.E.] sont donc limitées ». Or, l’ensemble des données comptables et financières ont été remises à l’Autorité de la concurrence en 2014 dans le cadre de la préparation de son avis sur les professions juridiques réglementées.

En outre, Monsieur Macron se réfère au rapport de l’Inspection générale des finances datant de 2012 pour étayer ses affirmations. Ce rapport a été rendu avant même que notre profession ne se voit imposée des baisses importantes de ressources pour deux activités : 

  • 50 % sur les frais d’immatriculation des sociétés commerciales depuis le 1er juillet 2014,
  • 66 % sur les frais de transmission par voie électronique sécurisée des extraits d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés (« Kbis »).

Ce rapport et Monsieur Macron affirment que « le taux de rentabilité moyen annuel d’un greffe de tribunal de commerce est de 82 % ». Cette affirmation, là encore, est fausse et mériterait d’être étayée pour en comprendre le calcul… Ce pourcentage fantaisiste est le signe d’un rapport orienté et dont les rédacteurs manquent cruellement d’honnêteté intellectuelle. 

Enfin, s’il était besoin de démontrer à nouveau l’inexactitude des propos exprimés à notre endroit, la proposition de notre profession a été balayée par le ministre qui prétend, en réponse au député Philippe Houillon : « Vous proposez de les mettre à disposition du Conseil national des greffiers de tribunaux de commerce : c’est, in fine, un retour au statu quo ante. En effet, il est peu probable que ces informations seraient ensuite, mises gratuitement à la disposition du public ».

Or, notre profession a proposé la diffusion gratuite des données relatives aux sociétés commerciales (à l’exclusion des données personnelles nécessitant une réflexion juridique plus large) et celles se rapportant aux comptes annuels, pour permettre de répondre rapidement et efficacement à l’objectif du gouvernement.